Martine Aubry: de la « dame des 35 heures » à la « Merkel de gauche »
La dirigeante socialiste française Martine Aubry, grande gagnante du premier tour des régionales et relancée pour la présidentielle de 2012, apparaît désormais comme une « Merkel de gauche » après avoir été longtemps associée à la controversée semaine de travail de 35 heures.
Mais la détermination de la fille de l’ancien président de la Commission européenne Jacques Delors ne fait guère de doute.
Personne ne donnait pourtant cher de son avenir lorsqu’elle fut élue de justesse fin 2008 face à Ségolène Royal à la tête d’un Parti socialiste (PS) déchiré. Cette élection fut de plus entachée d’accusations de fraudes.
Et quelques mois plus tard, le PS ne recueillait qu’un très décevant 16,5% aux européennes de juin 2009.
Mais elle a rétabli son autorité en organisant à l’été un référendum sur la rénovation du parti qui prévoit des primaires en 2011 pour sélectionner le candidat à la présidentielle. "Tout s’est renversé à ce moment-là. On voit depuis qu’il y a un leader au PS", juge le politologue Gérard Grunberg.
Si la victoire de la gauche est confirmée au second tour, Martine Aubry prendra une option sur la candidature socialiste en 2012. Il lui faudra alors écarter Ségolène Royal, une fois de plus, et surtout Dominique Strauss-Kahn, directeur du Fonds monétaire international (FMI) et pour l’instant favori des sondages.
Pour cela, elle tente de se construire une image de dirigeante méthodique et sereine, en opposition à un "hyperprésident" impulsif et qui décide de tout.
D’où ce surnom de "Merkel de gauche" récemment apparu dans la presse française. "Nous sommes toutes les deux sérieuses. Elle a des petits problèmes avec Nicolas Sarkozy, nous sommes deux!", ironise-t-elle.
De la chancelière allemande, elle partage le style vestimentaire mais aussi la discrétion sur la vie privée (elle est remariée à un avocat lillois et mère d’une fille).
Cette comparaison a l’avantage de mettre de cô té l’étiquette de "dame des 35 heures" qui lui colle à la peau. La réduction du temps de travail, dont on fête les dix ans, lui vaut d’être honnie par la droite qui en fait encore quotidiennement la responsable des maux de l’économie française.
De fait, pour 60% des Français, Martine Aubry "incarne les idées et valeurs de la gauche", une gauche traditionnelle face à un socialisme plus libéral économiquement d’un Dominique Strauss-Kahn qui plaît davantage aux électeurs du centre.
Martine Aubry n’a pas pour l’instant dessiné de véritable projet d’avenir pour le pays. Dimanche, au soir du premier tour des régionales, elle a cherché plus à rassurer qu’à innover.
"Nous ne voulons plus de cette politique qui casse ce que la France aime le plus en elle: son modèle social, l’égalité et la fraternité. Nous voulons retrouver une société douce, juste, du vivre ensemble", a-t-elle dit.
Après une carrière de haut-fonctionnaire au ministère du Travail, Martine Aubry fut trois ans numéro deux du groupe metallurgique Pechiney avant sa première expérience ministérielle à l’Emploi de 1991 à 1993.
Déjà on la disait "autoritaire et cassante". Un trait de caractère qui lui vaudra quelques déboires lorsqu’elle accèdera à la mairie de Lille (nord) en 2001. Au point d’être battue localement aux législatives de 2002, dans la foulée de la déroute de Lionel Jospin à la présidentielle.
Ce soir-là, elle fond en larmes à la télévision et doit se replier sur sa ville. Avec succès puisqu’elle est réélue maire en 2008 avec 66% des voix, ouvrant la porte à son retour national.