Le centre Al Koutoubia est composé de plusieurs bureaux qui affichent à leur porte la liste manuscrite des personnes habilités à voter. L’urne transparente trône au milieu de chaque pièce entourée de représentants de partis, de fonctionnaires chargés de veiller au bon déroulement de l’opération, ainsi que des observateurs. Le chef de ce bureau, un jeune cadre élégamment habillé, n’est pas avare d’informations." J’ai déjà eu l’occasion de superviser d’autres élections, j’ai la nette impression qu’il y aura plus de monde cette fois ci". Interrogé de savoir si ce bureau a eu affaire à des observateurs internationaux, notre jeune cadre réponds qu’il a eu la visite d’observateurs des Nations-unies "Ils ont posé beaucoup de questions et ont tout vérifié."
Dans la cour de ce lycée transformé pour l’occasion en centre de vote, une grande animation commence à se voir. Des femmes d’un certain âge et d’autres moins âgées arrivent en petits groupes et se dispersent sur les différents bureaux de vote. Tandis que l’une d’elles voulait bavarder dans la cour sur le temps qu’il fait, une réponse fuse dans un pur accent Marrakechi: "Pas le temps. Maintenant que j’ai voté, je dois retourner chez moi, j’ai laissé ma cocotte minute sur le feu".
C’était le moment où le jeune Abdelkader sortait d’un bureau de vote, alors qu’il rangeait minutieusement sa carte d’identité nationale dans son porte feuille, il déclare avoir "voté en son âme et conscience pour la personne qu’il estime digne de représenter sa ville au parlement". Mais Abdelkader ne parvient pas à cacher une forme de déception :" j’ai un peu suivi la campagne électorale, ce qui est désolant, c’est que tous les programmes se ressemblent. Moi ce qui m’intéresse, c’est d’avoir quelqu’un qui s’occupe réellement de nos problèmes. Venez voir de l’autre côté de la rue et vous allez remarquer l’état des routes et de habitations, c’est indigné d’une grande ville comme Marrakech…"
Atef, lui , est un jeune à peine sorti de l’adolescence. Il entre dans le centre Al Koutoubia sur son vélo joliment décoré. Lui est habillé en tenue sport wear griffée comme beaucoup de jeunes marocains aiment le faire. Avant même d’accomplir son devoir civique, Atef raconte que c’est la première fois de sa vie qu’il participe à un vote. Sa motivation :"Choisir lui même les gens et le parti qui va le représenter au parlement." Avant même que la question ne lui fut posée, Atef se lance dans ne diatribe contre ces jeunes comme lui qui ont choisi l’abstention: "Nous avons l’opportunité de peser sur les événements, pourquoi s’en priver?…. Tout ce que je souhaite, dit Atef avec un grand enthousiasme en arabe châtié, ‘est que ces élections permettent à de nouvelles personnalités d’éclore".
A la sortie d’un autre bureau de vote, Lhouseine arrive, le pas timide et l’expression incertaine. Il dit avoir 62 ans, n’avoir jamais voté de sa vie et être venu aujourd’hui aux urnes car "il sent que cette fois, ce n’est pas comme les autres fois". il dit "croire à la transparence et à la liberté du vote". "Personne ne m’a obligé à venir… Quand j’ai senti que ma voix pourrait être prise en considération, je me suis déplacée…"
Des femmes, des hommes… autant de profils rencontrés au hasard d’un bureau de vote. Si tous refusent de dire pour quel parti ils ont voté, leur simple présence pourra en dire long sur le retour vers les urnes d’une catégorie de la population qui jusque là se désespérait du politique.