Bruxelles a présenté mardi sa stratégie pour mieux armer l’industrie européenne à l’ère du numérique et de la transition écologique face à la concurrence chinoise et américaine, un plan salué par Berlin et Paris.
La Commission européenne compte actualiser les règles de la concurrence européenne et s’assurer que celles du commerce sont bien adaptées à la mondialisation.
« C’est une bonne nouvelle pour l’Europe. Elle nous permettra de renforcer notre souveraineté, d’être moins dépendants de pays étrangers dans certains secteurs stratégiques », s’est réjoui le ministre français des Finances, Bruno Le Maire.
Le ministre allemand de l’Economie, Peter Altmaier, a souligné l’importance d’une « politique industrielle moderne pour relever les défis de la mondialisation ».
Tout deux ont signé une lettre, avec sept autres ministres –autrichien, bulgare, grec, italien, luxembourgeois, roumain et espagnol– « saluant la stratégie » de la Commission.
– « Leader » européen –
L’exécutif européen ne compte toutefois pas aller aussi loin que l’avaient réclamé Paris et Berlin l’an passé après l’interdiction par Bruxelles du mariage Alstom/Siemens.
MM. Le Maire et Altmaier avaient alors plaidé pour la création de « champions européens » pour tenir tête aux géants chinois fortement subventionnés.
« Je n’utilise pas le mot champion sauf dans le domaine du sport », a déclaré le Commissaire européen à l’Industrie Thierry Breton. L’ancien ministre français de l’Economie et ex-patron du groupe français Atos a indiqué préférer employer le mot de « leader ».
« Nous voulons la libre concurrence », a-t-il dit, affirmant être exactement sur la même longueur d’onde que sa collègue danoise, la vice-présidente de la Commission, Margrethe Vestager.
Précisément en charge du dossier et partisane d’une ligne dure, cette dernière a insisté pour « donner une chance à toutes les entreprises, petites et grandes ».
Il n’empêche, les règles européennes de la concurrence devraient être quelque peu actualisées. En juin, la Commission lancera une consultation auprès des acteurs concernés pour voir comment mieux définir les marchés dans le domaine des fusions/acquisitions.
Pour riposter à la concurrence chinoise, la Commission va aussi publier mi-2020 un « livre blanc qui se penchera sur les effets de distorsion causée par les subventions étrangères au sein du marché unique ». Cette sorte de recueil de suggestions d’actions sera suivie en 2021 d’une proposition d’un instrument juridique.
Pour développer sa nouvelle stratégie industrielle, la Commission a retenu une vingtaine d' »écosystèmes » prioritaires (comme l’industrie automobile, l’aéronautique-espace, la construction durable…).
Chacun de ces écosystèmes sera composé de grandes entreprises du secteur, mais aussi de PME, de laboratoires de recherches et d’universités.
« Chacun d’entre eux devra être compétitif dans son ensemble mais aussi avec sa dynamique propre et ses gouvernances », promet M. Breton.
Pour bien les identifier, la Commission travaillera en étroite collaboration avec un forum industriel, mis en place d’ici septembre 2020 et composé de représentants de l’industrie, des partenaires sociaux, de chercheurs, d’Etats membres et des institutions de l’UE.
– Chaînes d’approvisionnement –
Concrètement, ce type d’écosystème pourrait par exemple se pencher sur la question d’améliorer les chaînes d’approvisionnement en Europe: la crise du coronavirus a notamment révélé que l’industrie pharmaceutique de l’UE était très dépendante de la Chine, une situation à laquelle voudrait remédier M. Breton.
L’exécutif européen entend également favoriser le développement de projets importants d’intérêt européen commun (PIIEC), des sortes de « mini-Airbus » dans un secteur bien précis, comme Paris et Berlin l’ont déjà fait avec les batteries de voitures électriques.
Pour voir le jour, ces projets pourront bénéficier d’une certaine flexibilité de la Commission européenne en matière d’aides d’Etat. Ces dernières doivent en effet toujours être autorisées par Bruxelles pour que soient maintenues des conditions de concurrence équitables pour toutes les entreprises.
Le prochain grand PIIEC doit se consacrer à l’énergie hydrogène, vital pour le secteur du transport, qui permettra de réduire les émissions de gaz à effet de serre, la pollution urbaine et la dépendance envers les carburants issus du pétrole.