13,5 millions de Marocains âgés de plus de 18 ans, sur une population globale de quelque 35 millions, sont appelés à voter pour permettre aux forces politiques (31 partis sont en lice) de mesurer réellement leur poids respectif.
L’élection intervient cinq mois après une réforme, initiée par le roi Mohamed VI et largement approuvée par référendum en juillet, où le souverain a concède une partie de ses larges prérogatives, en renforçant les pouvoirs du parlement et du Premier ministre.
Désormais, ce dernier sera obligatoirement choisi par le roi au sein du parti arrivé en tête du scrutin.
S’inscrivant dans le mouvement du printemps arabe, cette consultation intervient juste après celle de la Tunisie, et avant celle en Egypte, deux pays où l’islam politique a le vent en poupe à l’instar de la Turquie.
Le Parti Justice et Développement (PJD, islamistes modérés) d’Abdellah Benkirane, qui a toujours été dans l’opposition (47 députés sur 395), table sur un succès semblable au parti islamiste Ennahda, en Tunisie, fin octobre.
Ses deux principaux adversaires sont deux partis aguerris et membres de la coalition gouvernementale.
L’Istiqlal (Indépendance) du Premier ministre Abbas El Fassi est le mieux implanté sur le territoire national. Formation politique la plus ancienne du pays qui avait combattu pour l’indépendance de la France, et forte de 52 députés, ce parti de notables bénéficie d’une solide assise. Mais il pourrait faire les frais de l’usure du pouvoir.
Bien plus jeune et composé notamment de technocrates, le Rassemblement national des indépendants (RNI, libéral et 38 députés) du ministre de l’Economie Salaheddine Mezouar que certains voient diriger le prochain gouvernement, issu des urnes.
"Je vois tout à fait Mezouar à la tête du prochain gouvernement car il a un esprit moderniste et dynamique et c’est un fin économiste. Le Maroc attend des solutions concrètes à ses problèmes et non des discours populistes", confie à l’AFP Hasna Daoudi, qui dirige un site d’information sur internet.
"Moi, je vais voter pour le PJD car c’est il est contre la corruption et il a une réputation de droiture", indique pour sa part Souad, une cuisinière de 43 ans.
Les experts envisagent un gouvernement de coalition. "Le PJD peut prétendre à la première place. Mais même s’il dirige le gouvernement, l’exécutif se fera autour d’une coalition", explique Omar Bendourou, professeur de droit constitutionnel à la faculté de Rabat.
"Le scrutin n’a jamais été aussi ouvert (…) et le parti le plus puissant ne dépassera sans doute pas les 16 à 18%" des votes, a souligné pour sa part à l’AFP Khalid Naciri, ministre de la communication et membre du petit parti PPS.
L’autre inconnue est la participation traditionnellement faible aux Maroc. Aux dernières législatives de 2007, seulement 37% des inscrits avaient pris la peine d’aller voter.
"Pour le pouvoir, une participation forte doit permettre de crédibiliser les réformes constitutionnelles" et donner au Royaume "une crédibilité, une image favorable à l’étranger", selon M. Bendourou.
Enfin, ces élections se déroulent sur fond de grogne sociale.Mercredi, un millier jeunes diplômés au chômage ont manifesté pacifiquement à Rabat, près du parlement pour revendiquer des emplois, certains appelant au boycott des urnes.
Ils rejoignaient ainsi le mot d’ordre d’abstention du Mouvement de contestation du 20 février. Ce mouvement – formé de jeunes, d’islamistes et de militants de gauche – manifeste depuis plusieurs mois dans les grandes villes pour réclamer moins de corruption et moins de pouvoirs pour le souverain.