Législatives en Suède: sociaux-démocrates fragilisés, extrême droite moins haute qu’annoncé
La Suède semblait résister dimanche soir à la poussée de fièvre nationaliste suscitée par la crise migratoire en Europe: l’extrême droite progresse sans cependant se hisser au niveau espéré, tandis que droite et gauche se tiennent dans un mouchoir de poche.
Le Parti social-démocrate du Premier ministre Stefan Löfven perdrait trois points par rapport aux législatives de 2014, tombant à 28,1 % des suffrages, selon des résultats préliminaires portant sur plus de la moitié des circonscriptions. C’est son plus mauvais score depuis l’introduction de la proportionnelle en 1911.
Critiqué tout azimuts sur son bilan migratoire et social, Stefan Löfven apparaît personnellement fragilisé par quatre années d’un mandat tumultueux qui a vu l’arrivée en 2015 dans le pays scandinave de 160.000 demandeurs d’asile, un record en Europe rapporté au nombre d’habitants.
Ancien métallo de 61 ans, le Premier ministre a perdu des électeurs sur sa gauche et sur sa droite, les uns lui reprochant d’avoir laissé grand ouvertes les portes du pays aux demandeurs d’asile, les autres de les avoir aussitôt refermées.
Et ses chances de reformer une coalition – de toute façon minoritaire – pourraient être compromises malgré la poussée du Parti de gauche qui le soutient au parlement, si son partenaire écologiste au gouvernement passait sous le seuil des 4 % requis pour envoyer des députés sur les bancs du Riksdag, le parlement suédois.
En l’absence d’une claire légitimité issue des urnes, "nous sommes prêts à collaborer au-delà des blocs", à l’exception de l’extrême droite, s’est avancé le patron des sociaux-démocrates au parlement, Anders Ygeman.
Ls scrutin s’avère également décevant pour les conservateurs qui perdraient quatre points en quatre ans, atteignant péniblement 19,4 % des voix.
Discuter avec l’extrême droite ?
De son côté l’extrême droite, alors qu’elle espérait renverser la table, est loin de réaliser la percée annoncée par son président, Jimmie Åkesson, qui disait encore dimanche miser sur entre "20 et 30 %" des voix.
Les Démocrates de Suède (SD), formation anti-immigration, nationaliste et europhobe obtiendrait 17,9 % des votes, après 12,9 % en 2014, échouant à devenir le deuxième plus grand parti de Suède.
"Il est temps (que les autres partis) prennent leurs responsabilités et se mettent à discuter avec SD", a lancé dimanche soir Mattias Karlsson, président du groupe des "Sverigedemokraterna" au parlement.
Sur son compte Twitter, la présidente du Rassemblement national (ex-FN), Marine Le Pen, s’est réjouie d’une "mauvaise soirée pour l’Union européenne". "La révolution démocratique en Europe est en cours", a-t-elle dit.
Alors que le Premier ministre social-démocrate Stefan Löfven présentait ces législatives comme un "référendum pour l’Etat-providence", l’extrême droite en avait fait un plébiscite contre sa politique migratoire.
En septembre 2015, Stefan Löfven justifiait l’ouverture aux réfugiés de Syrie, d’Irak ou d’Afghanistan au nom d’"une Europe qui n’édifie pas de murs". Deux mois plus tard, il annonçait un tour de vis migratoire et le rétablissement des contrôles aux frontières.
Une volte-face insuffisante pour l’extrême droite. A l’image du parti Alternative pour l’Allemagne (AfD), les Démocrates de Suède dénoncent l’immigration comme une menace "culturelle" et réclament le renvoi de centaines de milliers de personnes.
‘Löfven doit démissionner’
Aucun camp, ni le bloc "rouge-vert" sortant ni l’opposition du centre et de la droite n’étant à même d’obtenir plus de 50 % des 349 mandats en jeu au Riksdag, de laborieuses tractations seront nécessaires pour trouver une majorité, ou la moins faible des alliances.
Les résultats encore provisoires donnent les deux camps dans un mouchoir de poche, à 40 % environ chacun.
Mais le bloc dit "bourgeois" prendrait la main si les Verts restaient à la porte du parlement. Peu après la publication des sondages de sortie des urnes, le secrétaire général du parti conservateur a appelé Stefan Löfven à tirer les leçons du scrutin.
"Au vu des résultats, Stefan Löfven doit démissionner", a déclaré Gunnar Strömer.
L’opposition est déterminée à déloger les sociaux-démocrates, quitte, souhaiteraient certains, à dynamiter le cordon sanitaire qui, jusqu’ici, tenait les Démocrates de Suède à distance d’une influence politique directe.
Stratégie qui pourrait s’avérer risquée, tant centristes et libéraux ont dit et redit leur refus d’un "pacte avec le diable".
Et sept sympathisants conservateurs sur dix ne veulent pas entendre parler d’une main tendue à l’extrême droite.
Samedi soir, en meeting dans la capitale, Jimmie Åkesson avait lancé un ultimatum au chef conservateur: "Kristersson a 24 heures pour répondre à la question: es-tu prêt à coopérer avec moi ou avec Stefan Löfven ?".