Le programme chargé de Lagarde au FMI

Désormais nommée à la tête du Fonds monétaire international, Christine Lagarde doit entamer plusieurs chantiers tout en faisant face à la crise grecque. Un programme sur lequel planera de surcroît l’ombre de DSK.

Le programme chargé de Lagarde au FMI
Quand il a été nommé au FMI, Dominique Strauss-Kahn a chamboulé l’ordre établi et entamé des réformes dont le Fonds avait bien besoin. Lors de son grand oral, la semaine dernière, devant les instances du FMI, Christine Lagarde n’avait pas critiqué le bilan de son prédécesseur, estimant au contraire qu’il fallait continuer la restructuration de l’institution : "Je crois qu’il faut que le Fonds soit plus réactif, certainement plus efficace et plus légitime. Et cela suppose véritablement beaucoup d’améliorations potentielles, mais aussi la continuation des réformes qui ont été entreprises par mon prédécesseur".

Interrogée mardi soir sur TF1, elle a souhaité vouloir "parler longuement" à DSK. "J’ai à apprendre aussi de ce qu’il peut me dire, de son appréciation sur le Fonds", a-t-elle déclaré avant d’ajouter que DSK était un "directeur général admiré, a fait un bon travail". Il s’agit désormais de tourner la page. Et le départ, fin août, de John Lipsky, le directeur général adjoint qui remplaçait DSK jusqu’à mardi, devrait permettre à Christine Lagarde de relancer le FMI.

La crise grecque, priorité absolue

La crise de la dette qui touche plusieurs pays européens, comme l’Irlande ou le Portugal, sera la préoccupation principale de Christine Lagarde. C’est d’ailleurs l’une des raisons du soutien américain à la candidature de la Française. Elue "meilleure ministre de l’Economie" par le Financial Times au plus fort de la crise économique de 2009, Christine Lagarde maîtrise la problématique européenne et peut, selon les spécialistes américains, éviter l’effet domino créé par l’accroissement des dettes publiques.

Et le combat débute en Grèce, qui fait face à une crise financière, politique et sociale sans précédent. Alors qu’une grève de 48 heures a été entamée mardi matin, Christine Lagarde a lancé, sur TF1, un appel à "l’entente nationale" politique en Grèce pour voter les mesures d’austérité proposées par le gouvernement sous la pression du FMI et l’Union européenne : "Si j’ai un message à faire passer ce soir concernant la Grèce, c’est un appel à l’opposition politique grecque pour qu’elle rejoigne dans une entente nationale le parti qui est actuellement au pouvoir. Il y va vraiment du destin d’un pays". Et d’ajouter : "Je crois qu’il faut à ce moment là faire un peu fi des grandes différences politiques". Les députés grecs doivent d’ici jeudi voter sur le projet de budget d’austérité soumis par le gouvernement de Georges Papandréou.

Une meilleure représentativité

Christine Lagarde s’était engagée, lors de sa campagne pour briguer la tête du FMI, à donner plus de poids aux pays émergents si elle était élue. "La grande priorité à venir est la poursuite de la réforme de la gouvernance et son approfondissement", avait-elle ainsi déclaré au Brésil. Les "Brics", le nom donné à la Russie et aux grands émergents (Brésil, Inde, Chine, Afrique du Sud), se sentent lésés dans le processus de décision interne au FMI : les occidentaux (UE et Etats-Unis) pèsent en effet près de 47% des voix au moment des votes. Un rééquilibrage s’avère toutefois tendu : les Européens ne veulent pas être victimes d’un mouvement anti-Euro fort, tandis que le Maison-Blanche craint qu’on n’en veuille à son déficit public, le plus important au monde.

L’atout du G20 français

Nicolas Sarkozy a évoqué "une victoire de la France" en apprenant la nomination de Christine Lagarde au poste de directeur général du FMI. Pour cause, le président français voit en sa ministre de l’Economie en partance un moyen de sauver "son" G8/G20. En effet, Paris préside la réunion des puissances mondiales pour l’année 2011. Les chantiers sont nombreux et l’actuel locataire de l’Elysée ne cache pas ses ambitions : donner les moyens aux pays du G20 de sortir définitivement de la crise. Depuis janvier, Christine Lagarde a couru le monde sans relâche pour défendre les positions de la présidence française du G20 sur la régulation des marchés financiers. Au FMI, son influence devrait favoriser l’Elysée.

Tapie, l’épée de Damoclès

La nouvelle directrice générale du FMI n’en a pas pour autant terminé avec ses ennuis judiciaires en France, plusieurs menaces continuant à peser sur elle en lien avec l’affaire Tapie. La menace la plus immédiate concerne l’enquête pour "abus d’autorité" que pourrait lancer le 8 juillet la Cour de Justice de la République (CJR) contre elle. Le 10 mai, le procureur général près la Cour de cassation, Jean-Louis Nadal, a saisi la commission des requêtes de la CJR. Il estimait qu’il existait des éléments justifiant l’ouverture d’une enquête contre Christine Lagarde pour abus d’autorité dans le dossier de l’arbitrage rendu en faveur de Bernard Tapie dans la vente litigieuse d’Adidas par le Crédit Lyonnais en 1993.

Le parquet général reproche notamment à Christine Lagarde d’avoir recouru à un arbitrage, alors qu’il s’agissait de deniers publics, d’avoir eu connaissance de la partialité de certains juges-arbitres et de ne pas avoir exercé de recours contre la sentence arbitrale, alors que plusieurs spécialistes l’y encourageaient. La décision est attendue le 8 juillet. Soit la commission classe le dossier sans suite, soit elle reporte la procédure afin d’obtenir des compléments d’informations, soit elle valide l’ouverture d’une enquête. Mais si cette troisième potion est retenue, la ministre ne devrait pas, le cas échéant, être jugée avant plusieurs années. La statistique lui est en tout cas favorable : depuis sa création en 1993, la CJR a examiné plus d’un millier de plaintes et jugé six ministres.

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