Le chef de l’Etat français, qui rencontrait son homologue russe pour la première fois, n’a pas réussi à le faire bouger d’un iota, ni sur la question des sanctions contre le régime syrien, ni sur celle d’un départ de Bachar al Assad. François Hollande a rappelé qu’il faisait du départ du président syrien le "préalable pour la transition politique" à Damas, son homologue russe privilégiant, lui, le dialogue à tout prix pour éviter une guerre civile.
"Le régime de Bachar al Assad s’est conduit de manière inacceptable, intolérable. Il a commis des actes qui le disqualifient", a déclaré François Hollande, en référence au massacre qui a fait une centaine de morts la semaine dernière dans la localité syrienne de Houla. "Il n’y aura de sortie possible de cette situation qu’avec le départ de Bachar al Assad", a-t-il ajouté lors d’une conférence de presse avec Vladimir Poutine au terme de deux heures et demie d’entretien, comprenant un dÂŒner, à l’Elysée.
Comme à Berlin auparavant, Vladimir Poutine a manifesté sa volonté de "réconcilier de toutes les parties en conflit" et s’est défendu d’avoir des intérêts spécifiques, notamment militaires, en Syrie.
"Ce que nous devons faire, c’est empêcher que la situation évolue selon le pire des scénarios et lutter contre la possibilité d’une guerre civile", a-t-il dit. "Ce qui nous préoccupe, c’est la radicalisation de la situation et que cette situation devienne incontrôlable", a-t-il ajouté, évoquant les morts provoqués par les "rebelles".
"Combien de civils ont péri aux mains des autres, des rebelles, est-ce que vous avez compté ces pertes, il s’agit de centaines de personnes", a-t-il estimé. Partisan d’une "solution politique", Vladimir Poutine a dit vouloir donner toutes ses chances au plan de paix de l’ancien secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan.
"Nous devons tout faire pour que sa mission soit couronnée de succès et je considère contre-productif de déclarer à l’avance que sa mission est vouée à l’échec", a-t-il considéré.
"BONHEUR TOTAL"
Le départ de Bachar al Assad ne saurait, selon lui, être la solution. "Si on écartait du pouvoir un président en exercice, est-ce que vous croyez qu’il y aurait un bonheur total dans ce pays demain ? Non", a-t-il affirmé, prenant pour exemple les violences qui ont suivi le départ de Libye de Mouammar Kadhafi et la chute de Saddam Hussein en Irak.
A la question de savoir si la Russie serait prête à accueillir la famille Al Assad, Vladimir Poutine a répondu sur le même ton aigre-doux qui a dominé la conférence de presse : "Assad a visité beaucoup plus souvent Paris que Moscou, donc regardons ce problème sous cet angle-là".
François Hollande s’est, quant à lui, désolidarisé de ses prédécesseurs Nicolas Sarkozy, qui a invité Bachar al Assad à Paris à deux reprises, et Jacques Chirac, qui a reçu Hafez al Assad, le père de Bachar, en 1998.
"Sur les visites des présidents Assad, père et fils, je n’ai aucune responsabilité, ce sont d’autres temps, d’autres époques", a dit François Hollande, qui n’est pas revenu sur l’idée d’une intervention militaire en Syrie, comme il l’avait fait cette semaine à la télévision.
Pékin et Moscou ont opposé à deux reprises leur veto à des résolutions du Conseil de sécurité de l’Onu appelant à des actions plus fermes contre Damas.
Les Occidentaux ne semblent pas prêts à pousser Vladimir Poutine dans ses derniers retranchements, comme l’a montré Angela Merkel après sa rencontre avec le président russe.
"Nous avons tous deux dit clairement que nous voulions une solution politique et que nous voulions que le plan (de Kofi Annan) puisse servir de point de départ", a dit la chancelière allemande.
Le secrétaire américain à la Défense, Leon Panetta, a lui aussi indiqué jeudi que l’armée américaine était prête à toute initiative jugée nécessaire en Syrie, mais Washington continue à privilégier l’approche diplomatique pour chasser Al Assad.
Ce ballet diplomatique a lieu au moment où la situation sur le terrain continue à se détériorer. A travers le monde, des voix se sont élevées pour mettre en garde contre le risque de voir la Syrie sombrer dans une guerre civile totale, avec un risque de contagion dans d’autres pays du Proche-Orient sur fond de conflits inter-religieux.