Il y a un fait indéniable. Les oreilles maghrébines étaient tendues vers l’Elysée pour écouter et analyser les déclarations du président français lors de sa grande conférence de presse, présentée par la communication officielle comme le grande rendez-vous du président avec les Français. Emmanuel Macron s’est exprimé sur tous les sujets sauf sur le Maghreb, avec une grand part accordée aux préoccupations domestiques, notamment la santé, l’éducation, l’immigration, les polémiques, la relance économique.
Emmanuel Macron avait un objectif bien précis, décrire un nouveau cap pour son second mandat et lui redonner une nouveau souffle pour faire disparaître cette étrange impression de fin de règne à trois année et demie de sa fin. Emmanuel Macron était fidèle à lui même et à son style, jonglant avec les formules, virevoltant avec de nouvelles propositions à l’apparat novateur mais dont l’essence est recyclé.
Emmanuel Macron a aussi évoqué le positionnent de la France à l’égard des foyers de tensions et de guerres actuels. La guerre que mène Israël aux Palestiniens de la bande de Gaza. Une occasion pour redire le positionnement français. Un soutien inconditionnel de la France à l’Etat hébreu victime d’une opération terroriste menée par le Hamas le 7 octobre dernier et une critique à peine voilée de la réponse militaire excessive d’Israël et dont la facture en termes de pertes civiles commence à choquer les consciences les plus endurcies.
Le président Macron avait évoqué aussi les risques de déflagration régionale aussi bien dans cette région sensible qu’est la mer rouge ou le Liban sous l’emprise du Hezbollah et dont la frontière avec Israël est en ébullition. Il a commenté aussi le scénario d’un possible retour du Donald Trump à la Maison Blanche. Mais aucun mot sur des préoccupations d’une proximité immédiate, dont cette très problématique relation de la France avec les pays du Maghreb.
Ceux qui sont familiers avec l’organisation de ces conférences de presse savent que les services de l’Élysée veillent beaucoup à organiser la distribution de la parole en fonction des sujets sur lesquels le président de la République souhaite s’exprimer et attirer l’attention. Et dans cette optique, la relation France/Maghreb ne semble pas émerger pour la communication de l’Elysée comme une priorité du moment. D’où sa parlante absence de cette longue causerie d’Emmanuel Macron avec les Français.
La relation avec le Maghreb était survolée de manière indirecte dans cette conférence. Ce fut lorsque, évoquant son combat permanent contre l’ascension de l’extrême droite, Emmanuel Macron avait évoqué la très polémique loi sur l’immigration qu’il vient de faire voter par le parlement et qui attend la validation du Conseil constitutionnel. Dans les limbes de cette loi existe une démarche de chantage aux visas lancée à ces pays maghrébins qui refuseraient de reprendre leurs nationaux clandestins en France et qui s’exposeraient à une démarche punitive de la France sur le volume et la nature des visas accordés. La guerre des visas a de fortes chances d’être relancée entre Paris et le Maghreb.
Ce silence présidentiel sur le Maghreb est révélateur. Sans doute la nouvelle vision de Paris face aux enjeux de cette région que portera le nouveau ministre des affaires étrangères Stéphane Séjourné n’a pas été entièrement élaborée pour nécessiter une annonce et une explication officielle, mais ne pas dire un mot sur cette région où le rôle et l’influence de la France sont lourdement questionnés frise la stratégie de silence délibérément choisie par le Palais de l’Elysée.
Pour bien souligner l’importance de cette problématique, une question avait toute sa place si l’occasion de la poser l’avait permise: « Monsieur le Président, vous éprouvez actuellement une double grande difficulté à l’égard d’une région aussi proche de la France que le Maghreb. Ne croyez-vous pas que le temps est venu de procéder à une grande clarification et sortir de cette paralysie diplomatique dommageable pour les intérêts de la France au Maghreb ? »
La réponse du président Macron à cette question aurait été des plus instructives et des plus éclairantes de la stratégie diplomatique française sur ce Maghreb si près de la France mais qui semble s’en éloigner de plus en plus.