"Le temps est venu de créer un système universel de retraite", a asséné le Premier ministre Édouard Philippe en présentant l’architecture de cette réforme, qu’il a qualifiée de "révolution sociale".
"Notre ambition d’universalité est une ambition de justice sociale, nous ne voulons léser personne", "il n’y aura ni vainqueur ni vaincu", a-t-il assuré.
Mais, a averti le chef du gouvernement, "la seule solution est de travailler un peu plus longtemps et progressivement, comme c’est le cas partout en Europe".
Ainsi, même si l’actuel âge légal de départ à la retraite reste fixé à 62 ans, la réforme "incitera à travailler plus longtemps". "Au-dessus de l’âge légal, un âge d’équilibre avec un système de bonus-malus" est fixé à 64 ans, ce qui est "déjà un horizon raisonnable pour la très grande majorité des Français", a estimé M. Philippe.
Le projet vise à fondre les 42 régimes de retraite actuels en France en un seul système universel à points.
Le chef du gouvernement a envoyé une fin de non recevoir aux syndicats et manifestants qui réclament depuis huit jours le retrait pur et simple de la réforme.
Trains à l’arrêt, lignes de métros fermées, pagaille de vélos et trottinettes, crèches et écoles au ralenti, blocages de raffineries: la France vit au ralenti depuis jeudi dernier, au rythme de la mobilisation, notamment dans les transports publics, les cheminots de la SNCF (opérateur du rail) et de la RATP (métro parisien) refusant la suppression de leurs régimes spéciaux.
Les milieux du tourisme et du commerce s’inquiètent à l’approche des fêtes de fin d’année, alors que le mouvement des "gilets jaunes" et ses manifestations parfois violentes avaient déjà perturbé la période commerciale et touristique de la même période de 2018.
Concession aux syndicats, Édouard Philippe a annoncé que la réforme ne s’appliquera qu’aux Français nés en 1975 et après.
"La transition sera progressive" vers le système universel, a-t-il promis. "La seule solution est de travailler un peu plus longtemps", a-t-il aussi affirmé.
– Au Parlement en février –
Il a aussi tenté de répondre aux inquiétudes des enseignants particulièrement mobilisés contre cette réforme. "Nous inscrirons dans la loi la garantie selon laquelle le niveau des retraites des enseignants sera sanctuarisé et comparable au niveau des retraites des fonctions ou des métiers équivalents dans la fonction publique", a-t-il annoncé.
La retraite est un sujet éminemment sensible en France. Les opposants les plus virulents espèrent faire durer le mouvement et mettre le pays à l’arrêt comme lors de la longue grève de décembre 1995 qui avait forcé le gouvernement de l’époque à reculer, également sur un projet de réforme des retraites.
Or le contexte social est déjà tendu dans le pays, avec la mobilisation depuis plus d’un an du mouvement inédit des "gilets jaunes", exaspérés par les fins de mois difficiles et qui contestent la politique fiscale et sociale du gouvernement, mais aussi des mécontentements exacerbés dans les hôpitaux, parmi les étudiants, les policiers…
Le président Emmanuel Macron, qui a fait de la "transformation" du pays la raison d’être de son quinquennat, joue gros sur cette réforme.
Le Premier ministre a ainsi fait une série de gestes en direction des populations les plus fragiles et des métiers les plus pénibles, les opposants à la réforme redoutant une précarisation pour ces retraités.
"Il me semble que les garanties données aux populations les plus inquiètes justifient que le dialogue reprenne et que la grève qui pénalise des millions de Français s’arrête", en a conclu le Premier ministre.
Mais le dirigeant du syndicat réformateur CFDT, et premier de France, Laurent Berger, n’a pas semblé sur le point de répondre favorablement, jugeant que les annonces de M. Philippe faisaient "encore" preuve de "beaucoup d’insuffisances" et que "la ligne rouge est franchie" avec l’âge "d’équilibre" à 64 ans.
Quant à la CGT-Cheminots, le premier syndicat à la SNCF, elle a appelé à "renforcer la grève" après les annonces gouvernementales.