Le film « Des hommes et des dieux » contribue au dialogue avec l’islam
Pour les responsables musulmans qui ont pu le voir, le film de Xavier Beauvois évite toute caricature de l’islam et peut servir de base pour le dialogue entre chrétiens et musulmans
Un risque dont étaient conscients aussi bien le réalisateur du film, Xavier Beauvois, que les responsables du dialogue islamo-chrétien dans l’Église. Aussi ont-ils organisé une projection du film, à Paris, lundi, à laquelle étaient invités un certain nombre de responsables musulmans, dont Mohammed Moussaoui, le président du Conseil français du culte musulman (CFCM), et plusieurs évêques, parmi lesquels le cardinal Philippe Barbarin, archevêque de Lyon.
L’ensemble des responsables musulmans qui ont pu voir le film reconnaissent que Des hommes et des dieux n’est pas un film « anti-islam ». Certes, il s’agit là d’une période sur laquelle les musulmans répugnent à revenir, et où nombre de familles algériennes se sont trouvées déchirées, explique Abdallah Dliouah, imam à Villeurbanne, dans la région lyonnaise. Mais « le film n’est pas stigmatisant pour les musulmans, et il évite toute caricature ». Sont bien distingués les terroristes et les musulmans du village, et, ajoute-t-il, « on voit que l’ensemble du peuple algérien, et non seulement les chrétiens, a été victime de la violence ».
«Un moyen pour relancer un dialogue qui s’essouffle»
Ghaleb Bencheikh regrette cependant que le seul dialogue un peu théologique représenté dans le film, soit celui entre le prieur de Tibhirine, le P. de Chergé, et le responsable des terroristes. « De toute façon, j’imagine mal un de ces terroristes citer un verset du Coran », dit-il.
Said Ali Koussay, aumônier musulman de l’hôpital Avicenne à Bobigny, en Seine-Saint-Denis, déplore aussi un certain déséquilibre : « En réalité, les trois quarts du film portent sur la religion chrétienne… On ne voit pas de dialogue équilibré. » Mais tous admettent que le film constitue une formidable base pour promouvoir le dialogue entre musulmans et chrétiens. Ne serait-ce que parce que déjà, autour de Thibirine, et grâce à l’abbaye de Aiguebelle (Drôme), s’est créé un vaste ensemble d’initiatives en ce sens.
Ce dont ont témoigné aussi Azzedine Gaci, président du conseil régional du culte musulman en Rhône-Alpes et le cardinal Philippe Barbarin, qui ont accompli ensemble un pèlerinage à Tibhirine, en 2007. « C’est sans doute un moyen pour relancer un dialogue qui s’essouffle » a d’ailleurs espéré le responsable musulman lyonnais. « Et aussi de montrer que cela vaut la peine, ajoute Ahmed Jaballah, membre du Conseil Européen de la Fatwa et président de l’IESH (Institut Européen de Sciences Humaines), sensible au fait que ce film respire l’espérance.
« Le film offre un démenti pour tous ceux qui nous accusent de naïveté, de part et d’autre », renchérit Abdallah Dliouah. Pour autant, l’imam de la mosquée de Villeurbanne est conscient que Des hommes et des dieux ne pourra que difficilement parler à l’ensemble de ses coreligionnaires, en dehors des spécialistes : « Celui qui est peu au fait de la religion catholique risque d’y voir surtout un film de propagande chrétienne et de prosélytisme. À nous d’expliquer, et de faire de la pédagogie. »
Isabelle de GAULMYN