L’Espagne est-elle plus solide que la Grèce?

Après la Grèce, les marchés semblent être passés à l’offensive contre l’Espagne. Si ses finances publiques sont plus saines, elle manque cruellement d’un modèle économique viable pour rebondir après l’éclatement de sa bulle.

L’Espagne, quatrième économie de la zone euro, avec ses finances publiques en berne, une récession dont elle peine à sortir et un taux de chômage record de plus de 20%, est la nouvelle cible des marchés. Tiendra-t-elle le coup ?

Des finances publiques plus saines…
La situation de l’Espagne est à beaucoup d’égards moins critique que celle de la Grèce. Sur le front des finances publiques, d’abord, elle ne souffre pas du manque de transparence qui caractérise les comptes grecs. Surtout, l’Etat est resté très prudent dans sa gestion des comptes publics. Du coup, l’Espagne est l’un des pays de la zone euro qui a abordé la crise avec le niveau de dette publique le plus faible.

Certes, son déficit s’est fortement creusé avec la crise : l’éclatement de la bulle immobilière et le ralentissement de l’activité économique ont plombé les recettes fiscales, tandis que le taux de chômage record oblige le gouvernement à augmenter ses dépenses sociales. Résultat : la dette publique est de 53,2% du PIB en 2009 et le déficit de 11,2%. Et la situation va s’aggraver avant de s’améliorer. Natixis estime qu’en 2013, la dette atteindra 81,5% du PIB et le déficit 6,5%. D’où la mise en place en janvier d’un plan d’austérité de 50 milliards d’euros sur trois ans. Mais on est encore loin des chiffres grecs : 115,1% de dette et 11,2% de déficit en 2009 et 125% de dette prévue pour 2013. "L’Espagne n’est pas soumise à un problème d’insolvabilité. D’ailleurs, les agences de notation ne s’y trompent pas. Alors que la dette grecque a été reléguée au rang de junk bond, la dette espagnole conserve, chez deux agences de notation sur trois, la note maximale", rappelle Philippe Sabuco, économiste à BNP Paribas."

Un secteur bancaire relativement solide
Si la dette publique espagnole est largement inférieure à celle de la Grèce, on ne peut pas en dire autant pour la dette privée. En effet, la dette des ménages espagnols en 2009 était de 84% du PIB, contre 39% en Grèce, et celle des entreprises était de 137% en Espagne contre 38% en Grèce. De quoi générer des craintes de défauts pour les banques espagnoles. Compte tenu du chômage élevé, le taux de défaut des ménages sur les emprunts immobiliers a effectivement augmenté, mais il n’est que de 4 à 5%. En revanche, le taux de défaut des promoteurs et constructeurs a progressé plus rapidement et atteint 7 à 8%. "Pour autant, les banques espagnoles sont bien provisionnées par rapport à ce risque", tempère Jésus Castillo, économiste à Natixis, qui rappelle qu’aucune banque espagnole n’a fait faillite pendant la crise.

La fin de la récession en 2011…
A moyen terme, les perspectives économiques espagnoles sont également moins inquiétantes que la Grèce, même si certains économistes estiment que les mesures d’austérité risquent de plomber toute croissance potentielle. Pour l’Espagne, la Commission Européenne prévoit une légère contraction de 0,4% en 2010 mais un retour à la croissance dès 2011, alors que pour la Grèce, Bruxelles s’attend à une récession de 3% en 2010 et de 0,5% en 2011.

… Mais un modèle de croissance caduque
Toutefois, l’Espagne fait face à des défis très importants si elle veut renouer durablement avec la croissance : changer de modèle économique et améliorer sa compétitivité. Depuis son entrée dans la zone euro, sa croissance reposait sur un fort endettement privé et sur la construction immobilière. Ce modèle étant caduque, le pays doit en chercher un nouveau. Or ses options sont limitées. "Il n’est plus possible pour elle d’être le pays de la délocalisation automobile comme dans les années 70s, puisque ce sont les pays de l’Europe de l’Est qui ont pris cette fonction", explique Jésus Castillo. Pas question non plus de se relancer dans l’agriculture maraîchère ou dans le textile alors que la Tunisie et le Maroc sont plus compétitives dans ce domaine. "Elle doit donc s’orienter dans des secteurs à plus haute valeur ajouter, comme par exemple les énergies vertes, poursuit l’économiste de Natixis. L’Espagne a déjà un petit temps d’avance dans l’éolien." Près de 20% de son électricité est issue du vent. "Mais l’ajustement sera long et difficile, prévient Philippe Sabuco. Les ménages et les entreprises doivent d’abord passer par une phase de désendettement qui pèsera sur la croissance à moyen terme ". Sans compter que "réorienter des millions de maçons au chômage dans de nouveaux secteurs n’est pas une tâche facile", renchérit Jésus Castillo.

Un manque aigu de compétitivité
Comme en Grèce, les salaires espagnols ont progressé très rapidement depuis l’adoption de l’euro. Si cette tendance correspond en partie à un processus normal de convergence avec le reste de la zone euro, "c’est vrai aussi que le marché du travail espagnol souffre d’un manque de flexibilité, car les salaires sont indexés sur l’inflation et font l’objet de négociations collectives", explique Jésus Castillo

L’Espagne va passer jeudi un examen important sur le marché obligataire, puisque le Trésor va mettre aux enchères des bons à 5 ans et qu’il espère lever au moins deux milliards d’euros. Mais le véritable test se présentera en juillet, quand l’Etat devra refinancer 30 milliards d’euros de dette publique.

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