L’affaire Mecili continue d’empoisonner les relations franco-algériennes

Parmi les dossiers qui fâchent Paris et Alger, il en est un qui empoisonne tout particulièrement les relations bilatérales : celui du diplomate algérien Mohamed Ziane Hasseni, mis en examen par la justice française en août 2008, dans le cadre de l’enquête à rebondissements sur l’assassinat de l’avocat Ali Mecili, commis à Paris vingt ans plus tôt, en 1987. Or l’heure n’est toujours pas à l’apaisement, bien au contraire. Après dix-neuf mois d’instruction, le juge Alain Philibeaux a décidé d’écarter, contre l’avis du parquet, un non-lieu « prématuré ».

L’affaire Mecili continue d’empoisonner les relations franco-algériennes
Dans son ordonnance rendue mardi 30 mars, le juge, en liaison avec sa consœur Corinne Goeztmann, co-saisie du dossier, souffle le chaud et le froid. Il indique qu’il n’existe pas suffisamment "d’éléments avérés mettant hors de cause" M. Hasseni.

Mais il concède que les charges contre le diplomate, qui se dit victime d’une homonymie, s’étant réduites, le statut de mis en examen pour "complicité d’assassinat" ne convient plus. Il le place donc sous celui, intermédiaire, de témoin assisté. Et des investigations en Algérie devront être poursuivies, au grand dam d’Alger, qui attendait, indique-t-on de source diplomatique, une issue "définitive", confortée par le non-lieu requis début février par le parquet de Paris.

L’affaire Hasseni, souvent qualifiée en Algérie de "justice coloniale", avait été évoquée lors de la visite éclair à Alger, fin février, du secrétaire général de l’Elysée, Claude Guéant, et du conseiller diplomatique de Nicolas Sarkozy, Jean-David Levitte, pour tenter d’apaiser des relations tumultueuses.

Au fil des derniers mois, les tensions n’ont cessé de s’alourdir, de la proposition de loi de députés algériens pour"criminaliser le colonialisme", en passant par l’inscription de l’Algérie sur la liste aérienne des pays à risque dans le domaine du terrorisme. La visite du ministre français des affaires étrangères, Bernard Kouchner, prévue en février, puis en mars, a été reportée sine die, après ses propos sur "la génération de l’indépendance algérienne". "Après elle, ce sera peut-être plus simple", avait-il dit.

UN TÉMOIN S’EST RÉTRACTÉ

Dans ce contexte, l’ordonnance du juge Philibeaux n’est pas faite pour détendre l’atmosphère. "C’est un prolongement inattendu, s’indigne un diplomate algérien. On veut maintenir Hasseni en témoin assisté, en vertu de quoi? Il est innocent!" Interpellé le 14 août 2008, à l’aéroport de Marseille, M. Hasseni, responsable du protocole au ministère algérien des affaires étrangères, avait été désigné par deux témoins comme le commanditaire de l’assassinat du militant du Front des forces socialistes. Un ordre de mission signé "Hassani" avait été trouvé sur un homme soupçonné de l’assassinat, Abdelmalek Amellou, arrêté puis expulsé de France.

Mais le premier témoin à charge contre M. Hasseni, remis en liberté sous contrôle judiciaire et qui a pu quitter le territoire français, s’est rétracté. Le second, Mohamed Samraoui, ancien officier des services secrets algériens réfugié en Allemagne, est, lui, revenu en partie sur ses déclarations lors d’une confrontation organisée par visioconférence en juin2009, et a laissé entendre qu’il avait subi des pressions.

La décision du juge "signifie que cette affaire n’est pas terminée", se réjouit Antoine Comte, avocat de la famille Mecili. "C’est aberrant, il y a eu toutes les confrontations possibles", réagit pour sa part l’un des avocats du diplomate, Jean-Louis Pelletier, qui devrait faire appel de la décision avant dix jours.

Isabelle Mandraud

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