Au bout d’une campagne sans éclat où le politicien de 61 ans s’est contenté de gérer son avance confortable dans les intentions de vote, évitant les propos polémique et les promesses illusoires, M. Starmer a réussi à s’adjuger une majorité de 170 sièges, mettant fin à 14 ans de règne conservateur.
La retenue dont a fait preuve le leader travailliste a poussé ses détracteurs à le qualifier de politicien blême, voire « insipide ». Pourtant, les gens qui l’ont côtoyé lorsqu’il se faisait un nom durant les années 1990, en tant qu’avocat spécialisé dans les droits de l’homme, décrivent un homme aux instincts compétitifs affutés.
Durant cette période, il s’est occupé d’affaires hautement médiatisées. En s’attaquant aux violations des droits de l’homme en Irlande du Nord ou en représentant des militants écologistes contre McDonald’s, M. Starmer s’est appuyé sur son travail méthodique et son souci du détail pour convaincre les juges, avant de tenter, des décennies plus tard, de convaincre les électeurs.
Ses réussites en tant qu’avocat lui ont valu d’être nommé, en 2008, directeur des poursuites publiques au Crown Prosecution Service (CPS). Un mandat de procureur qui lui a permis d’acquérir l’expérience d’un haut fonctionnaire travaillant en parallèle avec l’agenda politique de l’époque.
En 2014, M. Starmer devient Sir Keir, lorsqu’il est fait chevalier pour services rendus à la justice pénale. Une dénomination qui ne le sied pas toujours puisqu’il avouera dans une interview qu’il préfère être appelé par son simple prénom.
Le titre de chevalier laissant supposer qu’il est issu de la noblesse, celui qui porte le même prénom que le fondateur du parti travailliste, Keir Hardie, ne manque pas de rappeler dans chacune de ses sorties médiatiques que son père était outilleur et sa mère infirmière.
La même année, M. Starmer tente avec succès de se faire élire député travailliste pour Holborn & St Pancras. Un poste qu’il n’a plus quitté depuis, tout en grimpant les échelons au sein de sa nouvelle famille politique.
Alors que la défaite cuisante du Labour face aux conservateurs de Boris Johnson a précipité la chute du leader du parti à l’époque, Jeremy Corbyn, Starmer a repris en main une formation décimée par une série de défaites et noyée dans les méandres des querelles internes.
Conscient de la nécessité de changer la formule d’un parti qui a essuyé des revers lors des scrutins de 2010, 2015, 2017 et 2019, l’ancien procureur n’a pas hésité à se faire des ennemis dans ses efforts pour recentrer et redresser la formation.
Depuis 2020, et à la faveur d’une série de débâcles que les Premiers ministres conservateurs successifs se sont, dans une large mesure, auto-infligés, la cote de popularité de Starmer et de son parti n’a cessé de croître jusqu’à atteindre une avance confortable de plus de 20 points.
Mais le leader du Labour a insisté à maintes reprises sur le fait que si le parti travailliste a été en mesure de profiter des maux de ses rivaux, c’est justement parce qu’il a fait le travail nécessaire pour se remettre sur les rails en parallèle.
« Il faut savoir provoquer sa propre chance », affirme celui qui attribue sa résilience à sa mère, qui a lutté durant toute sa vie contre une maladie inflammatoire rare.
Né le 2 septembre 1962 et fan inconditionnel du club londonien d’Arsenal, M. Starmer a veillé à garder ses deux adolescents loin de l’attention médiatiques durant toute la campagne électorale, soulignant qu’il s’agit d’un âge difficile et qu’il se soucie de l’impact que cela pourrait avoir sur eux.
Après avoir sorti son parti de centre-gauche de l’abîme électoral, le politicien issu de la classe ouvrière s’appuiera désormais sur le large mandat que lui ont accordé des britanniques en quête de changement pour sortir le pays du « chaos » et redonner au Royaume-Uni son « sérieux ».
Sa victoire sans appel lui permettra de déménager, avec ses enfants et sa femme Victoria, à la résidence officielle du Premier ministre. À partir de là, il s’attellera à mettre en œuvre ce qu’il a promis d’être une « décennie de renouveau national ».