Gustavo Petro, l’ex-guérillero qui veut changer le visage de la Colombie
L’homme de taille moyenne aux lunettes épaisses aura aussi réussi à dissiper les craintes qu’il nourrissait chez un peuple affligé par le conflit armé et pour qui, jusqu’à ce que Petro prouve le contraire, la gauche et le communisme sont deux faces d’une même monnaie.
Le leader de la coalition du Pacte Historique, un conglomérat qui va de la gauche radicale jusqu’à la droite, a remporté au finish les élections présidentielles en Colombie, en battant le populiste Rodolfo Hernandez, grâce à un écart étriqué qui laisse entrevoir une opposition assez solide bien qu’il a promis de privilégier le compromis.
En effet, Petro a dû faire appel à un pragmatisme sans précédent dans sa carrière politique. Le gouvernement avec lequel il débutera son mandat de quatre ans est composé de personnes de différentes tendances politiques : de droite, du centre et de gauche.
Petro (62 ans), qui a mené une campagne entouré d’une armée de gardes du corps et vêtu d’un gilet pare-balle, a défait la longue tradition des gouvernements libéraux et conservateurs depuis qu’il a abandonné la lutte armée, signé l’accord de paix en 1990 et quitté la prison où il a passé un an et demi.
Conférencier à la rhétorique kilométrique et internaute très actif sur les réseaux sociaux, il a fait de la reprise des négociations de paix, la lutte contre les inégalités et la pauvreté et la réforme socio-économique son cheval de bataille pour accéder à la présidence.
Petro, qui était gouverneur de la capitale Bogotá entre 2012 et 2015, est né le 19 avril 1960 à Ciénega de Oro, une ville des Caraïbes colombiennes connue par l’élevage de bétail et la culture du coton. L’aîné de trois frères a été élevé à Ziquipará, une ville située à environ 50 kilomètres de Bogotá.
« J’ai étudié dans une école pour prêtres, qui à mon époque étaient franquistes et parlaient des fléaux du communisme », racontait Petro à un média colombien. Il a confié que la fraude électorale lors des élections présidentielles d’avril 1970 et le coup d’État contre Salvador Allende, le président socialiste du Chili (1973), ont été les deux « messages violents » qui lui ont transpercé le cÅ“ur pour se rebeller contre « l’oligarchie colombienne ».
Le candidat de la gauche a étudié l’économie à l’Université Externado et a été journaliste pour le journal local Carta al Pueblo, où il dénonçait les problèmes de sa communauté.
Il a rejoint la guérilla du M-19 dans les montagnes à l’âge de 17 ans, où il se faisait appelé « Aurelian », en hommage à Gabriel GarcÃa Márquez, un auteur qu’il admire et lit depuis son adolescence.
Malgré les inquiétudes que suscite son passé de guérillero, Petro dit qu’il est toujours « révolutionnaire » et qu’il fera de cette flamme le moyen d’amorcer le changement voulu par les Colombiens, un changement cette fois-ci par la voie démocratique.
Endurci par les deux défaites qu’il a subies aux précédentes présidentielles, Petro accède à la haute magistrature du pays en vue de changer, comme il l’a lui-même promis auparavant, le cours de « 200 ans d’histoire ».
Cet ancien sénateur, qui prône la rupture avec l’élite politique traditionnelle, se veut un « progressiste plutôt qu’un gauchiste », conscient du rejet que le terme peut susciter dans un pays martyrisé par six décennies de conflit armé.
Contraint à un exil de trois ans en Europe, il prend les règnes d’un pays et d’une armée des plus développées de la région qu’il combattait jadis.
Issu d’une famille de la classe moyenne et éduqué, Petro promet notamment un modèle de développement durable et une réforme de l’armée, assurant vouloir commencer dès ce lundi par la préparation des négociations de paix et la remise au Parlement de l’épineux projet de réforme fiscale.
Il sied de rappeler que durant sa carrière de député, il n’a eu de cesse de dénoncer les liens entre politiques et groupes paramilitaires. Son passage à la mairie de Bogota est qualifié par ses détracteurs d’autoritarisme, de mauvaise gestion et de conflits.
Désormais, Petro semble devoir allier son esprit révolutionnaire au pragmatisme pour mener à bien ses projets de gouvernement et conduire le pays vers le changement pour lequel plus de 11 millions de citoyens ont voté.
Gustavo Petro est marié et père de six enfants.