Grèce : l’Europe craint d’y être allée trop fort

Grèce : l’Europe craint d’y être allée trop fort
La Grèce va-t-elle avoir le temps de guérir ? De plus en plus de voix se font entendre pour dénoncer le remède de cheval infligé à Athènes par l’Union européenne (UE) et le Fonds monétaire international (FMI). Les manifestations massives de dimanche à Athènes et dans plusieurs autres villes du pays, ainsi que les véritables scènes de guérilla urbaine qui ont été diffusées en boucle sur les télévisions du monde entier ont manifestement ébranlé un certain nombre de certitudes. Le seuil de l’intolérable a-t-il été atteint pour le peuple grec ?

Des interrogations qui ne semblent pas, pour l’instant, avoir inquiété les ministres des Finances de l’UE : la zone euro n’a pas hésité à reporter à lundi sa décision, attendue d’abord hier soir, d’apporter une nouvelle aide de 130 milliards d’euros à la Grèce (à laquelle s’ajoutera un abandon de 100 milliards d’euros d’obligations par les créanciers privés), rapprochant un peu plus le pays de la cessation de paiement.

«Talibans néolibéraux». Les grands argentiers reprochent à Athènes de ne pas avoir identifié précisément des mesures d’économies d’un montant de 325 millions d’euros, une goutte d’eau dans un plan d’austérité portant sur plusieurs milliards supplémentaires… Un peu dur à avaler pour les Grecs.

Hier, au cours d’un débat agité au Parlement européen réuni en session à Strasbourg, Daniel Cohn-Bendit, le coprésident du groupe Verts, a vivement dénoncé les «talibans néolibéraux qui règnent en Europe» et imposent une «décroissance brutale à la Grèce que personne ne pourrait vivre». «La troïka [Commission, Banque centrale européenne, FMI, ndlr] agit de façon criminelle en Grèce en lui imposant toujours plus de mesures d’austérité […]. On ne peut pas mettre en permanence ce peuple à genoux», a-t-il martelé. Rebecca Harms, Allemande elle aussi, et coprésidente du groupe Verts, a rappelé qu’après «la Seconde Guerre mondiale, les Allemands ne pouvaient que réussir, parce qu’on leur a pardonné les pêchés commis». Les socialistes, tout comme la gauche radicale, n’ont pas été plus tendres. L’Autrichien Hannes Swoboda, président du groupe socialiste au Parlement européen, a comparé la troïka à «une invasion de sauterelles» qui s’abattent «sur le pays pour imposer leurs lois. Cela revient à imposer la dictature au lieu d’établir des liens de coopération avec un des Etats membres de l’Union européenne».

De façon plus surprenante, la droite prend elle aussi ses distances avec cette politique brutale. Ainsi, Guy Verhofstadt, le patron du groupe libéral, a dénoncé le fait que si l’on «demande plus d’efforts au privé, plus d’impôts , […] on ne s’attaque pas au système politique basé sur le clientélisme, les banques publiques, la corruption […]. Si on ne s’attaque pas à ces problèmes, il n’y aura pas de solutions à la clé». Le 10 février, l’ancien Premier ministre belge a même envoyé une lettre à Jean-Claude Juncker, le président de l’Eurogroupe, lui suggérant d’exiger que les politiciens passent à la caisse : baisse du salaire des députés grecs «parmi les mieux payés d’Europe», réduction du nombre de voitures du Parlement et des frais de fonctionnement, diminution du nombre de ministres (49 contre 18 en Italie), vente de l’un des trois avions gouvernementaux, réduction des salaires des juges, des diplomates et des hauts fonctionnaires, coupes dans les subventions publiques des partis, etc. «On ne peut pas baisser de 10% les salaires, il faut réfléchir autrement, sinon on va dans le mur. Il faut une entente pour pouvoir aider les citoyens grecs», a plaidé, pour sa part, le Français Joseph Daul, patron du groupe conservateur PPE. « Nous avons perdu un an et demi, perdu de l’argent et désespéré un peuple. En Grèce, l’Europe n’a plus de crédibilité», a ajouté son compatriote Jean-Paul Gauzès (PPE).

Thérapie.Cerise sur le gâteau de cette journée du doute, le président du Conseil italien, Mario Monti, qui a été reçu hier par la session plénière du Parlement européen, a dénoncé «la dureté avec laquelle la Grèce est traitée». C’est la première fois qu’un chef de gouvernement se désolidarise ainsi de la thérapie de choc infligée aux Hellènes, même s’il a rappelé «que les politiques menées en Grèce pendant de nombreuses années ont été un catalogue parfait des pires pratiques en Europe : corruption, népotisme, absence de concurrence, appels d’offres truqués, fraude fiscale». Mario Monti concluant : «La rigueur peut-être excessive [avec laquelle Athènes est traitée] est une sorte de compensation peut-être tardive, peut-être trop forte, du passé.»

Pour les eurodéputés, si la rigueur reste nécessaire, elle est insuffisante : «Il faut faire des propositions pour la croissance et l’emploi», comme l’a plaidé Joseph Daul. «Il faut un plan pour la Grèce pour annuler la dette, réformer les institutions de l’Etat et faire un plan Marshall», a surenchéri Daniel Cohn-Bendit. On en est encore loin.

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