L’influente confrérie a remporté 36,62% des voix lors de la première phase des élections législatives, tandis que le parti salafiste Al-Nour a raflé 24,36% des suffrages.
Longtemps seuls représentants du courant islamiste sur la scène politique égyptienne, les Frères musulmans sont désormais clairement concurrencés par les salafistes, candidats pour la première fois à des élections en Egypte.
Le second tour lundi sera marqué par une rude bataille entre leurs candidats respectifs, en particulier à Alexandrie, la deuxième ville du pays, où Al-Nour a été fondé en février, juste après la chute de Hosni Moubarak.
En raflant un quart des voix, ces tenants d’un islam rigoriste ont pris au dépourvu rivaux politiques et analystes. Ce score "est supérieur à ce que nous attendions", a admis le porte-parole des Frères musulmans, Mahmoud Ghozlane.
Si cette tendance se confirme dans les autres gouvernorats, dont le vote est étalé jusqu’au 10 janvier, une alliance entre ces deux mouvements islamistes assurerait au courant religieux, qui est loin d’être homogène, une majorité confortable dans les futures institutions égyptiennes.
Mais selon les analystes, les Frères musulmans, organisés depuis 1928 dans le pays, pourraient être gênés par ce nouveau venu au passé radical et violent, certains salafistes étant des "repentis" du jihad (guerre sainte).
"La percée des salafistes change la donne au sein du camp islamiste. Les Frères musulmans pourraient s’associer aux salafistes et se radicaliser", affirme Hassan Nafaa, professeur de sciences politiques à l’Université du Caire.
"Mais ils peuvent aussi les rejeter pour créer une grande coalition centriste capable de gouverner", poursuit-il. "Les Frères perçoivent les salafistes comme un boulet politique. "Ils savent qu’une alliance avec eux pourrait leur coûter cher".
De fait, la confrérie cherche désormais à rassurer, se réclamant d’un islam "centriste" et "modéré", et prenant ses distances avec les salafistes.
"Nous espérons que les gens distinguent les différents mouvements et ne mettent pas tous les islamistes dans le même panier", a déclaré à l’AFP M. Ghozlane.
Pour les analystes, ces deux mouvances de l’islam sunnite n’ont pas les mêmes priorités.
Les salafistes s’attachent à la lettre des textes religieux et se montrent intransigeants sur l’application de la charia (loi islamique) au quotidien, tandis que les Frères musulmans privilégient le pragmatisme.
En conséquence, "il y a un important fossé qui les sépare", comme par exemple sur le tourisme, explique M. Nafaa. Là ou les salafistes affirment vouloir bannir l’alcool et les bikinis, les Frères musulmans souhaitent oeuvrer pour attirer davantage de touristes, un secteur qui emploie 10% de la population active du pays.
Sur les questions économiques, les analystes soulignent que le parti Liberté et Justice (PLJ) de la confrérie est plus proche des libéraux, grands perdants de ce scrutin.
Le PLJ a déjà rassemblé des petits partis libéraux dans son "Alliance démocratique" et pourrait poursuivre cette stratégie pour bénéficier d’une "caution" laïque et apparaître plus rassembleur.
Mais les salafistes pourraient continuer à chasser sur les terres des Frères en revoyant certaines de leurs positions. Le dirigeant salafiste Abdel Monem Chahat a ainsi déjà nuancé des propos tenus avant la percée d’Al-Nour, dans lesquels il qualifiait la démocratie de "péché", affirmant qu’ils ne s’appliquaient pas au contexte égyptien.