Signe des inquiétudes autour de l’évolution de l’Egypte, l’agence de notation Standard & Poor’s a annoncé lundi qu’elle abaissait la note du pays à long terme de "B" à "B-" en raison des tensions politiques.
Déficit budgétaire en hausse, réserves en devises en berne, investisseurs étrangers attentistes et touristes frileux s’ajoutent en effet aux difficultés politiques du président islamiste Mohamed Morsi.
"Je suis plus préoccupé par l’avenir de ce pays qu’il y a quelques semaines seulement", affirme Angus Blair, un économiste qui dirige le Signet Institute au Caire. "Voter +oui+ au référendum ne va pas faire cesser le malaise économique".
Les résultats encore officieux donnent le "oui" gagnant avec 64% des votants. Les résultats officiels seront annoncés mardi soir, a indiqué l’agence officielle Mena, en citant la commission électorale.
L’opposition a d’ores et déjà dénoncé des fraudes à l’instigation du camp présidentiel et compte maintenir la pression alors que des législatives se profilent en février.
L’agence estime que "les tensions politiques et sociales en Egypte ont augmenté et vont probablement se maintenir à des niveaux élevés sur le moyen terme".
L’ajournement d’une demande de prêt de 4,8 milliards de dollars auprès du FMI, due à la situation politique, risque de prolonger la crise de confiance entre les investisseurs étrangers et l’Egypte, et de peser sur le redressement de ses comptes publics.
"Les investisseurs sont intéressés par l’Egypte", a estimé récemment devant la presse l’ambassadeur de l’Union européenne au Caire James Moran.
Mais "il est important de créer de la confiance. La situation actuelle est fragile, et le plus tô t le prêt du FMI interviendra, le mieux ce sera", a-t-il ajouté.
Or M. Morsi a, juste avant la première phase du référendum le 15 décembre, gelé en catastrophe une série de hausses de taxes sur des produits de base et de grande consommation (ciment, acier, cigarettes, sodas notamment), indispensables pour redresser les finances du pays, mais qui auraient lourdement pesé sur le climat politique et social.
La remise sine die du prêt FMI et des mesures de rigueur censées l’accompagner traduisent l’extrême difficulté d’engager des réformes économiques dans un climat politique des plus tendus.
L’annonce samedi de la démission du gouverneur de la banque centrale, Farouk al-Oqda, suivie d’un démenti quelques instants plus tard, a contribué à accroître le sentiment de confusion sur les options économiques du gouvernement.
"Je pense que M. al-Oqda a démissionné, mais le président et le gouvernement n’étaient pas prêts à cela. Il en a probablement assez d’être sous pression et souhaite passer les rênes à quelqu’un d’autre", affirme Angus Blair.
Les revenus du tourisme, qui ont chuté de 30% à 8,8 milliards de dollars en 2011, peinent à remonter la pente, ce secteur restant pénalisé par l’image d’instabilité de l’Egypte.
Les réserves de devises ont quant à elle plongé à 15 milliards de dollars contre plus du double il y a deux ans, en raison d’un ruineux soutien à la monnaie nationale, la livre égyptienne, sur le marché des changes, et du poids d’importations vitales (blé, carburants raffinés notamment).
Avec 83 millions d’habitants, l’Egypte est le plus peuplé du monde arabe, mais aussi l’un des plus pauvres, avec 40% de sa population vivant avec deux dollars ou moins par jour.
Ses difficultés actuelles s’ajoutent à celles héritées de l’ère Moubarak: inégalités extrêmes, corruption endémique, lourd système de subventions à des produits de base, déliquescence de services publics comme l’éducation ou la santé.
La croissance attendue cette année risque de se limiter à un maigre 2%, avant un 3% espéré en 2013, soit deux fois moins que dans les années qui ont précédé la chute de M. Moubarak, selon des estimations du FMI.