De toutes les religions, c’est l’islam qui suscite le plus d’images négatives en France (Rapport de la CNCDH)

De toutes les religions, c’est l’islam qui suscite le plus d’images négatives en France (Rapport de la CNCDH)
Le 20ème rapport annuel de l’enquête de la CNCDH sur la lutte contre le racisme et la xénophobie, remis le 14 avril au premier ministre français, François Fillon, confirme le constat établi l’année dernière sur l’islam et les musulmans qui souffrent d’une perception négative de la part des Français.
En effet, si une large part des sondés (74 %) pense que « les Français musulmans sont des Français comme les autres », cette proportion est en baisse de 5 points, et on note une certaine méfiance à l’égard de la religion musulmane. Ainsi, cette religion n’évoque-t-elle quelque chose de positif que pour 24 % des personnes interrogées (moins 3 points par rapport à 2009). De toutes les religions, c’est celle qui suscite le plus d’images négatives, avec un niveau d’opinions positives inférieur de 12 points à celui de la religion juive et de 21 points à celui de la religion catholique.

L’enquête note également que certaines pratiques religieuses suscitent, comme par le passé, des sentiments de méfiance. Le port du foulard continue à poser problème pour 68 % des personnes interrogées. Il en est de même pour le sacrifice du mouton de l’Aïd-el-Kébir (avec taux stable de 34 %). La proportion des personnes grimpe à 88 % quant il s’agit du port du niqab. Une hausse des taux de méfiance est constatée aussi à l’égard des prières (28 %, + 2 points), peut-être à cause de certains discours assimilant les prières dans la rue à une occupation. On constate donc un rejet des populations musulmanes qui trouve sa source dans l’inquiétude exprimée par les sondés quant à la volonté d’intégration des personnes pratiquant la religion musulmane dans la société française.
Le rapport annuel rédigé par des acteurs divers : la CNCDH elle-même, des ministères, des ONG, des chercheurs et des instituts de sondage, confirme par ailleurs, une vision dégradée des relations entre les individus en France et déplore une fragmentation de la société à deux niveaux : économique et sociale d’une part, entre communautés d’autre part.

Les personnes interrogées ont le sentiment que Français « d’origine française » et Français d’origine étrangère se scindent en communautés distinctes qui ne parviennent que difficilement à coexister. Ce sentiment est certainement renforcé par les événements politiques des dernières années : débats sur l’identité nationale, sur l’interdiction du voile intégral, sur la déchéance de la nationalité, sur l’immigration et autres éléments qui viennent soutenir l’impression d’une fragilité de la société française. Leur accumulation sur une courte période donne l’impression qu’il existe actuellement une profonde remise en cause du « vivre ensemble » dans la société française.

Le rapport conforte également les résultats des années précédentes où on constatait un affaiblissement du sentiment que certaines populations formaient des groupes à part dans la société. Ainsi, le sentiment que les musulmans « forment un groupe à part » dans la société a augmenté de 4 points (48 % contre 44 % en 2009) ; il en va de même pour le sentiment à l’égard des Maghrébins (+ 2 points) et des Asiatiques (+ 3 points).

En ce qui concerne l’intégration, un élément non négligeable apparaît cette année dans le sondage : plus de la moitié des personnes interrogées (69 %)
Considère que l’intégration des personnes d’origine étrangère fonctionne mal en France. Et les personnes qui constatent un échec de l’intégration estiment pour la plupart (54 %) que cet échec est dû aux personnes d’origine étrangère et non pas à la société. Dans le sondage, on note que 93 % des personnes interrogées (soit une augmentation de 5 points par rapport à 2009) estiment qu’« il est indispensable que les étrangers qui viennent vivre en France adoptent les habitudes de vie française ». Les personnes interrogées dans les entretiens qualitatifs font par ailleurs état d’une certaine décomplexion du discours politique sur des sujets tels que l’immigration, l’intégration, le « vivre ensemble ». A leurs yeux, le discours d’une partie de la classe politique semble rompre avec un discours « politiquement correct » qui interdisait de mettre en cause, voire de nommer, certaines catégories de la population en fonction de leurs origines.
Ainsi le lien explicite fait par certains responsables politiques entre immigration et insécurité rencontre un écho favorable auprès de certains interviewés pour lesquels il s’agit d’un constat de bon sens, qui ne pouvait être exprimé auparavant, en raison d’un discours dominant antiraciste agissant comme une censure – considérée comme injuste par certains.

La CNCDH tient à attirer l’attention du gouvernement sur ce point particulier. Elle recommande au gouvernement de veiller à ce qu’aucun représentant politique ne tienne des propos racistes, xénophobes ou stigmatisants à l’égard d’une population particulière. Elle demande aussi au personnel politique dans son ensemble de s’engager à ne pas éveiller, par des discours biaisés, discriminants ou alarmistes, des réactions d’hostilité à l’égard des populations d’origine étrangère.
Le rapport précise par ailleurs que le contexte général ne favorise pas une appréhension sereine de l’étranger. On constate cette année une relative dégradation des perceptions de l’« autre », immigré ou personne d’origine étrangère, alors que l’on notait depuis trois années consécutives un refus de l’intolérance. 56 % des personnes interrogées estiment cette année qu’« il y a trop d’immigrés en France », soit une augmentation de 9 points par rapport à l’année dernière. Le tableau sur les catégories de personnes qui affirment qu’« il y a trop d’immigrés aujourd’hui en France » est révélateur des tendances récentes : 71 %, soit le taux le plus élevé, chez les personnes sans diplôme, 57 % parmi les catégories socioprofessionnelles les plus fragiles, 52 % chez les chômeurs, 74 % chez les sympathisants de droite et enfin, 61 % chez ceux qui ne comptent pas ou comptent peu d’étrangers dans leur commune (tous ces pourcentages sont en nette augmentation par rapport à l’an passé). D’autre part, on note une baisse (4 points) du nombre de personnes qui estiment que « les travailleurs immigrés doivent être considérés ici comme chez eux puisqu’ils contribuent à l’économie française ». Toutefois, cette affirmation recueille toujours l’assentiment d’une large part de la population (77 %).

A la lecture des résultats du sondage, il semble que l’immigration soit perçue cette année plus qu’auparavant comme pouvant être source de dangers pour la France : les préjugés selon lesquels les immigrés vivraient de la fraude et du parasitisme sont en augmentation. Ainsi, 67 % des interviewés (+ 5 points par rapport à 2009) estiment que « de nombreux immigrés viennent en France uniquement pour profiter de la protection sociale », et parmi ceux qui considèrent qu’il y a trop d’immigrés en France, 31 % (+ 6 points) pensent que « cela pose problème pour l’équilibre des comptes sociaux ». Enfin, près de la moitié des personnes interrogées (44 % soit une augmentation de 8 points par rapport à l’an passé) jugent que « l’immigration est la principale cause de l’insécurité en France ».

Lorsque l’on individualise le rapport à l’immigré ou à la personne d’origine étrangère, le sondé condamne fortement, comme par le passé, les comportements discriminatoires. Le pourcentage reste élevé, puisque 89 % considèrent qu’il est « grave » de refuser l’embauche d’une personne noire qualifiée pour le poste et que 88 % considèrent qu’il est grave de refuser de louer un logement à une personne noire. Il faut toutefois noter que la proportion est en nette baisse lorsqu’il s’agit d’une personne d’origine maghrébine (84 % estiment qu’il est grave de refuser un emploi, et 82 % qu’il est grave de refuser un logement à une personne d’origine maghrébine, soit, dans les deux cas, une baisse de 7 points).

Atlasinfo-Ahmed Elmidaoui

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