Contraint de renvoyer sa ministre de l’Intérieur, Suella Braverman, après ses commentaires accusant la police de « faire preuve de favoritisme » à l’égard des manifestants, le Premier ministre britannique, Rishi Sunak, a opéré lundi un nouveau remaniement de son équipe gouvernementale. Le ministre des Affaires étrangères, James Cleverly, a ainsi remplacé Braverman à la tête du Home Office, tandis que la valse des ministres s’est étendue au département de l’Environnement, de la Santé et du Logement.
Mais l’annonce qui a pris tout le monde de court a été la nomination de celui qui a été Premier ministre de 2010 à 2016 à la tête de la diplomatie britannique. L’homme de 57 ans, pourtant favorable au maintien dans l’Union européenne, avait organisé le référendum du Brexit, qui avait conduit à sa déchéance politique.
Sept ans plus tard, Cameron se voit donc offrir une seconde chance de façonner son héritage, tandis que Sunak veut bénéficier du poids politique de l’ancien Premier ministre, tant au sein du parti conservateur que sur la scène internationale.
Peu après sa nomination, M. Cameron a déclaré vouloir soutenir le Premier ministre Rishi Sunak « dans une période difficile », rappelant que le pays est confronté à des « défis redoutables » au Moyen-Orient et en Ukraine.
« J’ai décidé de rejoindre cette équipe parce que je crois que Rishi Sunak est un bon Premier ministre qui fait un travail difficile à un moment difficile », a souligné M. Cameron, admettant qu’il n’est « pas habituel » qu’un ancien Premier ministre revienne au gouvernement.
En effet, il faut remonter aux années 70 et à Alec Douglas-Home pour retrouver la trace du dernier chef de gouvernement britannique à avoir occupé une fonction ministérielle, sous un autre dirigeant.
Selon les analystes, l’historique de M. Cameron lui donnera la possibilité de rencontrer à la fois ses homologues directs et les dirigeants du monde entier, offrant à M. Sunak la possibilité de déléguer une grande partie du travail diplomatique de haut niveau pour se concentrer sur ses obligations à Downing Street et les prochaines échéances électorales.
Ce retour surprise offre également l’occasion à M. Sunak de donner une impulsion au centre, en écartant Mme Braverman, l’égérie de la droite conservatrice.
Toutefois, la nomination de Cameron comporte, selon les analystes, des risques conséquents pour Sunak qui a passé les six derniers mois à se présenter comme le candidat du changement, dans une tentative de neutraliser le principal argument électoral du parti travailliste d’opposition.
Une donne que le Labour s’est empressé de rappeler par la voix de Pat McFadden. « Il y a quelques semaines, Rishi Sunak a déclaré que David Cameron faisait partie d’un statu quo qui avait échoué, et maintenant, il le ramène comme un sauveteur’’, a-t-il observé, estimant que cela met fin à « la prétention risible » du Premier ministre d’incarner un changement après « 13 ans d’échec des conservateurs ».
Les médias britanniques rappellent que M. Cameron apporte avec lui, certes, une stature politique qui peut servir les Tories, mais il apporte également son bilan de Premier ministre, qui avait été marqué par des coupes budgétaires importantes, ainsi que l’héritage de sa carrière controversée en tant que lobbyiste.
Selon Bronwen Maddox, directrice du think tank Chatham House, l’ancien Premier ministre représente un atout indéniable pour l’équipe dirigeante et les relations du Royaume-Uni avec l’étranger.
En tant que nouveau ministre des Affaires étrangères de Sunak, il présente un « avantage certain ». En tant que Premier ministre, il était à l’aise sur la scène internationale et agréable dans les relations qu’il nouait, a ajouté Mme Maddox.
Il faut, toutefois, espérer que « ces atouts ne soient pas contrebalancés par l’héritage controversé qu’il laisse derrière lui », a-t-elle nuancé, notant que « rien ne dit qu’il pourra ramener des électeurs à son parti’’.
Enlisé dans un contexte économique morose, avec une inflation toujours élevée, Sunak a fait un choix audacieux. Les prochaines échéances diront s’il sera suffisant pour faire changer d’avis sur son parti au pouvoir depuis plus de 13 ans et largement distancé dans les sondages par les travaillistes.