Darmanin et la « cuisine » communautaire

On attendait beaucoup du ministre de l’intérieur et des cultes sur la lutte contre les différentes formes de radicalisation qui préparent au passage à l’acte terroriste. Comme la dissolution d’associations qui participent à la diffusion de la pensée radicale. Comme certaines mosquées qui participent à sa fabrication et comme certaines personnalités radicales qui l’incarnent et la propagent dans ce qu’on appelle les territoires perdus de la république. Sur tous ces sujets, et le ministre Darmanin et le président Macron ont manifesté une détermination sans faille à sévir et à sanctionner.

Mais on était loin d’imaginer que Gérald Darmanin allait s’aventurer sur ce qui ressemble à un terrain de sables mouvants. Celui des rayons de supermarchés proposant des produits compatibles avec certaines religions.

Les propos du ministre, mardi soir sur BFMTV, sont tellement inédits qu’il semble incontournable de les citer pour bien en saisir la portée.

Gérald Darmanin s’est dit «choqué de rentrer dans un hypermarché et de voir en arrivant qu’il y a un rayon de telle cuisine communautaire, et de telle autre à côté». Et il ajoute imperturbable : » c’est comme ça que commence le communautarisme». Et au ministre d’évoquer aussi «des vêtements communautaires», faisant allusion à l’enseigne Decathlon qui avait mis à la vente puis retiré un hijab de jogging.

Gérald Darmanin s’est attaqué après aux entreprises à dimensions internationales qui, par appât du gain, creusent selon lui le sillon du communautarisme lorsqu’elles favorisent et investissent dans tel ou tel secteur qualifié de communautaire. Darmanin leur attribue une immense responsabilité: «  Dans la société civile, il y a des gens qui doivent comprendre que ce n’est pas parce qu’on a des parts de marché, en flattant quelques bas instincts, qu’on rend service au bien commun»

Et pour bien marquer la force de ses conviction en la matière, Darmanin lance cet appel solennel : «J‘appelle très modestement les chefs d’entreprise à se rendre compte qu’ils peuvent aussi contribuer à la paix publique et au fait qu’on peut lutter contre le séparatisme».

Cet angle d’attaque choisi par le ministre Darmanin cible en premier les musulmans de France. Il en a surpris plus d’un. Il n’y a qu’à voir les réactions incrédules et parfois estomaquées pour se rendre compte de l’ampleur de cette annonce.

En mettant également dans son viseur l’industrie agro-alimentaire labellisée communautaire, Darmanin s’en prend à un secteur qui pèse 1 700 milliards d’euros d’actifs dans le monde en 2015 et probablement le double en 2021.

Et dire que le président Macron avait même envisagé de financer le culte musulman par les ventes et les taxes imposés sur les produits hallal.  D’ailleurs une des rares idées perçues comme immédiatement opérationnelle pour remplacer les financements étrangers du culte musulman en France fut cette possible taxe sur les produits halal liés à son exercice et à sa consommation au quotidien.

A en croire donc Darmanin, une tranche de dinde halal dans le rayon d’un   supermarché nuit gravement au vivre ensemble et contribue activement à la dérive communautaire. « Je comprends très bien que la viande halal soit dans un supermarché. (…) Pourquoi des rayons spécifiques ? C’est ça que je regrette ».

« Dans ma circonscription à Châteaulin, il y a une grande entreprise qui exporte 500.000 tonnes de poulet par an vers l’Arabie saoudite, et c’est du poulet halal », et « cela permet à des filières entières de vivre. Donc ce n’est pas un sujet », a vivement réagi le président de l’Assemblée nationale, Richard Ferrand.

Même son de cloche à l’Elysée: « toutes les questions peuvent être posées, mais le jour où la question des rayons de supermarchés sera prioritaire pour le gouvernement, c’est que nous aurons réglé un certain nombre d’autres questions auparavant », a ironisé Gabriel Attal, porte-parole du gouvernement, à l’issue du conseil des ministres.

Les propos du ministre Darmanin s’apparentent à des boulettes de réflexion, marqués davantage par le sceau de l’agitation du moment que de la profondeur qu’exige la gravité de la cruelle période que traverse la France après le choquant assassinat de Samuel Pity .

 

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