Le Sénat a voté à une large majorité une motion de renvoi du texte en commission, un nouveau coup de pression pour la ministre de la Santé Agnès Buzyn, deux jours avant la "grande manifestation" des personnels hospitaliers à Paris à laquelle la gauche apporte son soutien.
La séance publique reprendra néanmoins en soirée, à l’issue de la réunion de la commision, avec le début de l’examen des articles.
Les sénateurs reprochent à la ministre de les tenir à l’écart de nouve
lles mesures en faveur de l’hôpital, qui doivent être annoncées courant novembre.
"A quoi sert le Parlement (…) si tout se passe en dehors de cette enceinte", a interrogé le rapporteur général, Jean-Marie Vanlerenberghe (centriste). "Nous allons voter un texte dont on sait qu’il sera sitôt ce vote obsolète".
Le président de la commission Alain Milon (LR) a lui mis en garde: "A force de se passer du Parlement (…), le gouvernement va se trouver bien seul face au mouvements sociaux en cours ou à venir, un face-à-face dangereux".
Devant les sénateurs, la ministre a indiqué que des "discussions" étaient en cours sur "le niveau de l’Ondam" (objectif national des dépenses d’assurance maladie), qui prévoit une progression des dépenses de santé limitée à 2,3 % (2,1 % pour l’hôpital, en pleine crise).
"Ces discussions sont lourdes de conséquences, elles nécessitent des arbitrages difficiles", a-t-elle souligné, assurant comprendre "l’impatience et la difficulté de discuter d’un texte sans que l’ensemble des mesures envisagées n’aient pu être annoncées".
"Les annonces seront faites avant la nouvelle lecture afin que les textes financiers puissent en tenir compte", a-t-elle assuré.
Défendu par le gouvernement comme un texte "de responsabilité", le projet de loi de financement de la Sécurité sociale doit être, après l’Assemblée nationale, examiné en première lecture toute la semaine par les sénateurs. Il doit être adopté définitivement d’ici fin décembre.
Lesté d’un déficit de 5,1 milliards d’euros, il prévoit une revalorisation limitée à 0,3 % de la plupart des prestations sociales à l’exception des pensions des retraités les plus modestes.
Déficit "artificiel"
La droite comme la gauche fustigent un déficit "artificiel" ou "politique" créé par l’Etat qui fait le choix de ne pas compenser des "non-recettes" décidées par le gouvernement pour répondre à la crise des "gilets jaunes" (taux réduit de CSG pour certains retraités, exonération des heures supplémentaires…).
Laurence Cohen (CRCE à majorité communiste) a dénoncé "une mise en cause du principe de l’autonomie financière des comptes sociaux", défendant une motion de rejet du texte qui n’a pas été adoptée.
Les sénateurs se sont opposés en commission "à la sous-revalorisation" des pensions de certains retraités et des prestations sociales et familiales.
La question des retraites est un autre sujet d’inquiétude pour les sénateurs, avec cette fois un clivage droite-gauche. Au grand dam de la gauche, les sénateurs LR proposeront de relever l’âge de départ à 64 ans.
Parmi les autres mesures du projet de budget, les sénateurs ont donné leur aval en commission à la création d’un congé indemnisé de trois mois pour les aidants soutenant un proche âgé, malade ou handicapé, de même qu’au dispositif permettant aux caisses d’allocations familiales de jouer le rôle d’intermédiaire pour le versement des pensions alimentaires.
Feu vert aussi à la mise en place d’un parcours de soins pour l’accompagnement des patients après un cancer et d’un fonds d’indemnisation des victimes des pesticides.
Feu vert encore à une taxe sur les "premix" à base de vin et à une expérimentation de l’usage médical du cannabis. La commission s’est en revanche opposée à la suppression de l’obligation de fournir un certificat médical lors d’une inscription à une activité sportive pour les enfants.
Les amendements adoptés en commission devront être revotés dans l’hémicycle.