« Avions poubelles » : comment des compagnies jouent avec la sécurité

Lisa Bleyssac est hôtesse de l’air depuis 1996. Aujourd’hui, elle a décidé de lever le voile sur ce qui se passe réellement dans le monde aérien. A travers son livre, « Avions poubelles », elle raconte ce qu’elle a vécu dans une compagnie charter qui avait décidé de privilégier ses profits au détriment de la sécurité et du bien-être des passagers.

« Avions poubelles » : comment des compagnies jouent avec la sécurité
A quelques semaines des départs en vacances, Lisa Bleyssac, hôtesse de l’air, a voulu partager son expérience professionnelle au sein d’une compagnie charter française, qu’elle a baptisée Air Rapaces. Aujourd’hui, elle exerce son métier d’hôtesse de l’air dans une autre compagnie et pour des raisons de sécurité, elle a choisi de témoigner sous un pseudonyme.

La jeune femme raconte ainsi comment elle enchaînait les heures de vol sans se reposer. « Le planning est normalement conçu pour le repos du navigant mais ces horaires n’étaient pas respectés. » Elle révèle ainsi dans son livre comment elle et ses collègues ont enchaîné une rotation de 42 heures. Partis de France, ils sont passés par la Lybie, le Rwanda, le Malawi puis le Zimbabwe où ils ont pu se reposer six heures avant de repartir pour le Rwanda et enfin regagner la France après une nouvelle escale en Grèce. Les pilotes et co-pilotes vivaient également ces horaires inhumains, mettant ainsi en danger les passagers à bord et les membres d’équipage. « J’avais peur. Quand le pilote me disait être fatigué avant d’embarquer, je transpirais au décollage et à l’atterrissage. J’étais aussi mal à l’aise face aux passagers. Les pilotent, eux, sont dans leur cockpit. Mais c’est nous qui affrontons les gens, qui subissons leurs mécontentements, qui devons répondre à leurs questions. »

De leur côté, les dirigeants mettaient la pression et jouaient sur les sentiments pour que le personnel accepte ces horaires infernaux. « Beaucoup se sont fait virés comme des malpropres. Personne ne veut perdre son travail, donc on acceptait. » Et la compagnie ne craignait rien, puisqu’en cas de contrôle, elle ne risquait pas d’être tenue responsable. L’équipage qui accepte un vol le fait en effet en état de cause : il sait qu’il risque de perdre sa licence.

Pas de petites économies

Des avions de seconde main achetés à bas prix dans le désert de Mojave aux Etats-Unis, des tablettes manquantes, des accoudoirs chancelants, des pièces de rechange non homologuées : « l’entretien d’un avion coûte cher et la compagnie n’hésitait pas à réduire les coûts. »

Les repas aussi étaient victimes de ces mesures d’économie. Parfois, il manquait des repas pour certains passagers. Lisa écrit ainsi comment elle et ses collègues s’arrangeaient pour que tout le monde reçoive un plateau-repas: « on attend le débarassage pour récupérer ce qui n’a pas été mangé sur les plateaux sales ! On trifouille dans les restes afin de reconstituer au mieux un plateau-repas correct. » Elle résume ainsi la situation : « on devait faire avec les moyens du bord. »

Lisa Bleyssac a même été réquisitionnée pour travailler dans l’atelier de maintenance. « On n’avait pas les mains dans le moteur mais on faisait le travail d’un mécanicien. Ceux qui ont refusé de le faire n’ont pas eu leur salaire. »

La jeune femme a voulu briser le silence pour que les gens connaissent la réalité qui leur est cachée. Elle insiste sur le fait qu’elle raconte ici la situation d’une compagnie précise, qui a d’ailleurs perdu sa licence de vol en 2009. Toutes les compagnies charters ne fonctionnent pas de cette façon, bien qu’une grande partie d’entre elles est prête à beaucoup pour faire des économies.

Lisa Bleyssac aime son métier et quand on lui demande si elle a pensé à changer de profession après cette expérience, elle répond tout naturellement : « C’est une passion, j’ai ça dans le sang. Je ne pourrais pas arrêter. » Elle travaille aujourd’hui pour une autre compagnie et confie que si on lui demandait d’enchaîner les vols elle le refuserait. « Dans ce métier, c’est très difficile d’être titularisé. Je dirais non parce que je suis titulaire, si ce n’était pas le cas, j’accepterais sans doute encore des horaires inhumains. »

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