Pour relancer son économie et soutenir des entreprises fragilisées par une crise sans égal, le Maroc semble faire flèche de tout bois. En matière de tarif des droits de douane, le Royaume mise sur une série de réformes pour l’année à venir, dans l’espoir de protéger la production nationale de certains produits, mais aussi de promouvoir une véritable industrie locale.
En 2021, une série d’augmentations des droits de douanes devrait être appliquée à diverses catégories de produits. Certes, ces nouvelles mesures, telles que annoncées dans le Projet de loi de finances (PLF) au titre de l’exercice 2021, seraient de nature à doper les recettes douanières marocaines. Les recettes des droits d’importation devraient ainsi s’élever à 10.679.419.000 dirhams en 2021, soit une hausse de 36,21% par rapport à 2020.
Il est clair que ce PLF est élaboré dans un contexte historiquement difficile et hautement délicat, aussi bien au niveau national qu’international, conséquence de la propagation de la pandémie de covid-19. Et cette augmentation des tarifs des droits d’importation vient à point nommée, puisqu’elle vise à protéger la production locale de certains produits et à renforcer leur compétitivité.
Parmi ces dispositions, figure à titre d’exemple, une augmentation de 17,5% à 40% de la quotité du droit d’importation applicable à certains produits du chocolat et des préparations alimentaires contenant du cacao. L’idée est ce renforcer la compétitivité de la branche nationale de production de chocolat et des préparations alimentaires contenant du cacao face à la concurrence des produits importés, et qui sont soumis à un droit de 17,5%.
En effet, les importations du Maroc de cacao et préparations à base de cacao ne sont pas à négliger. A en croire les statistiques de l’Office des changes, près de 14.322 tonnes ont été importées entre janvier et août 2020, pour une valeur de plus de 493 millions de dirhams (MDH), contre 13.482 tonnes pour 441 MDH, la même période de l’année dernière.
Autre mesure phare, l’augmentation de la quotité du droit d’importation applicable aux étoffes de bonneterie de 10% à 40%. Pour justifier cette hausse, le PLF estime que l’application d’un droit d’importation de 10% à ces produits impacte négativement la compétitivité de l’industrie nationale de fabrication des couvertures.
A fin août 2020, ce sont pas moins de 43.965 tonnes d’étoffes de bonneterie qui ont été importées pour une valeur de 2,96 milliards de dirhams, d’après l’Office des changes.
Si les réductions douanières prévues pour 2021 dans le PLF sont réduites à quelques produits, dont un médicament la Cyclosérine, les pneumatiques pour engins et le fuel oïl récupéré, la liste des produits pour lesquels les droits de douane ont augmentée est longue, constate d’emblée Abdelaziz Arji, Expert-comptable, Auditeur et Commissaire aux comptes.
Approché par la MAP, M. Arji, également Président de la Commission appui aux entreprises de la Chambre française de commerce et d’industrie du Maroc (CFCIM), relève que « le protectionnisme est un réflexe naturel des Etats en période de crise ». Il se manifeste par l’édification de barrières douanières dans le but à la fois de « protéger la production nationale mais également de rapporter des ressources au budget de l’Etat ». Le Maroc, dit-il, « n’est pas en reste en cette période de pandémie ».
Ces mesures douanières sont venues s’ajouter à l’amendement de l’Accord de libre échange avec la Turquie qui a rétabli les droits de douane à hauteur de 90% du droit commun sur plus de 1.200 produits, fait remarquer M. Arji.
« Force est de constater aujourd’hui que la mise à niveau qui avait été claironnée avant la signature des Accords de libre échange n’a pas été menée comme il se devait », regrette-t-il.
Pour M. Arji, « il est question aujourd’hui d’encourager cette mise à niveau en freinant certains produits qui peuvent être confectionnés localement ».
Dans ce sillage, l’expert-comptable est revenu sur le Plan de relance Industrielle 2021-2023, mis en avant par le ministère du Commerce et de l’industrie et qui ambitionne de mettre à niveau les unités industrielles locales et favoriser leur intégration dans le but de générer de l’emploi et monter dans l’échèle de valeur.
Ce plan vise également d’encourager les entrepreneurs qui souhaitent se lancer dans l’industrie plutôt que dans des activités de rente à rentabilité rapide et de monter dans la chaine de valeur afin d’intéresser plus de clients internationaux dans le but de nouer des partenariats stratégique.
De surcroît, le Maroc espère également à travers ce plan de relance garder sa position en tant que partenaire privilégié avec l’Europe en répondant à ses exigences de décarbonation de la production nationale et passer d’une industrie d’application à une industrie d’innovation capable de développer un savoir faire local.
« Il est certain que le plan économique qui se profile ne ressemblera à aucun autre en raison des conséquences de la pandémie. Cette dernière a eu l’effet d’un électrochoc qui mène le Maroc à se faire violence à travers des mesures drastiques, comme une hausse des droits de douane. Les effets à court terme seront ressentis par le citoyen à travers une hausse des prix », a-t-il estimé.
Cependant, il s’agit ici du prix à payer pour « garantir aux générations futures une indépendance tant convoitée », tempère notre interlocuteur.