Au Venezuela, l’indifférence, principal ennemi de l’adversaire de Maduro

« Il n’y a pas grand monde », constate déçu Nicolas tandis qu’Henri Falcon parcourt les rues de Barquisimeto, au Venezuela. A quelques semaines de la présidentielle du 20 mai, le principal adversaire de Nicolas Maduro affronte aussi une indifférence généralisée, son « principal ennemi ».

En observant la progression du candidat, Nicolas Segura, vendeur ambulant de chips de banane plantain (tostones) de 44 ans, raconte avoir perdu huit kilos ces dernières années, alors que son pays, qui fut l’un des plus riches d’Amérique latine, est frappé par une grave crise économique, où la pénurie d’aliments le dispute au manque de médicaments.

Classé en défaut partiel par les agences de notation, le Venezuela est confronté à une hyperinflation, attendue en 2018 à près de 14.000 % par le FMI, qui table sur une chute du PIB de 15 %. La situation a déjà poussé des centaines de milliers d’habitants à fuir le pays.

Nicolas juge "très bonne" la gestion d’Henri Falcon, ancien maire de cette ville, la quatrième du pays, capitale de l’Etat de Lara (nord-ouest), dont il fut aussi le gouverneur, le tout de 2000 à 2017. Mais en voyant la faible mobilisation, il doute de ses chances.

"Comptez sur moi ! Je ne vous décevrez pas ! Vive Lara !", lance pourtant avec conviction Falcon, militaire à la retraite de 56 ans et dissident du chavisme, le courant politique au pouvoir. Devant lui, quelque 500 personnes qui agitent de drapeaux d’Avancée progressiste, son parti, ont fait le déplacement mercredi dans cette ville de près d’un million d’habitants.

"Henri, Henri !", scandent ses partisans. C’est le même homme qui, il y a dix ans, avait remporté triomphalement l’élection au poste de gouverneur, avec 73,5 % des voix.

"Si on vote, on gagne"

Face a cette réalité, M. Falcon estime que son "pire ennemi" dans cette élection n’est pas le président Maduro, mais l’abstention.

Mercredi, la Plateforme de l’unité démocratique (MUD), principale coalition d’opposition qui a décidé de boycotter le scrutin du 20 mai, a appelé les Vénézuéliens à "ne pas participer et à laisser les rues du pays désertes" en signe de "rejet du régime de Maduro et de la fraude électorale".

"Beaucoup d’hommes politiques n’ont rien à offrir au pays et appellent à l’abstention ou ne font rien. Pendant qu’eux se cachent, nombre de Vénézuéliens meurent de faim", tacle le candidat, teint mat et cheveux grisonnants, juché sur un camion équipé d’imposantes enceintes. "Si on vote, on gagne", assurent ses tracts.

Il n’est pas le seul a devoir composer avec le découragement des Vénézuéliens. Divisée et fragilisée, la MUD n’a pas eu beaucoup plus de succès lorsqu’elle a tenté de rallumer la flamme des protestations massives de la mi-2017 contre le président socialiste.

Mais l’ancien officier refuse de se rendre. Même après avoir perdu largement fin 2017 le contrôle de cet Etat face à l’ancienne ministre de la Défense Carmen Melendez.

"Lara sera la berceau du président", pronostique celui qui promet, en cas de victoire, d’adopter le dollar comme monnaie, et de revenir sur les expropriations dans cette région agricole.

"On ne sait pas à quoi joue Falcon. Chavisme ? Opposition ? C’est un mystère", confie à l’AFP Rafael, un commerçant de 51 ans.

Maria Sarmiento, qui votera pour Maduro, fait un geste de dédain. "On dit qu’il s’est vendu", commente-t-elle à propos du virage de cet ancien allié du défunt président d’Hugo Chavez (1999-2013).

Outre l’indifférence, M. Falcon fait face au système clientéliste du camp au pouvoir, qui a multiplié ces dernières semaines les livraisons de nourriture à prix subventionnés dans les quartiers populaires, et accéléré l’inscription de nouveaux sympathisants à son parti.

"Ca va être difficile", juge Nicolas, le vendeur de chips de banane à la maigreur extrême.

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