Attentat de Marrakech-Guéant: « La France ne baissera pas la garde »
Claude Guéant, ministre de l’Intérieur, livre son analyse de l’attentat qui a frappé Marrakech jeudi.
J’ai eu mon collègue marocain, qui m’a expliqué que les identifications étaient difficiles, que certains corps étaient très abîmés. Le bilan provisoire est de 16 morts, dont sept Français et une dizaine de blessés, dont deux très grièvement.
La France était-elle visée?
Rien ne permet de l’affirmer. Le Maroc a déjà été le théâtre d’attentats importants: 45 morts, dont 12 kamikazes à Casablanca en 2003, d’autres encore en 2007. Cela étant, c’est vrai que ce café est un haut lieu touristique et, vu l’engouement des Français pour Marrakech, il y avait une forte probabilité que des Français soient touchés.
Al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi) est-elle derrière cet attentat?
Il faut attendre la revendication. Contrairement à ce qui a pu circuler au départ, il n’y a pas eu l’intervention d’un kamikaze. Quelqu’un a déposé un sac au sol et il y a eu un déclenchement à distance. Il y avait du nitrate d’ammonium et du TATP, de la pentrite, et puis des clous. Cela me rappelle les attentats de 1995 à Paris.
Faut-il lier cet attentat à la libération récente d’islamistes par le roi du Maroc?
C’est aller vite en besogne. Cet attentat est un coup dur porté au Maroc, qui connaît comme d’autres pays arabes une aspiration au changement. Le roi, de façon très anticipatrice, l’a prise en compte en annonçant une série de réformes institutionnelles importantes, des libérations, mais aussi des innovations à caractère social, comme la création d’un système d’assurance-maladie.
Aqmi peut-elle profiter de ce "printemps arabe"?
Aqmi est un mouvement à caractère terroriste, pas un mouvement politique. Il ne faut pas assimiler Aqmi à certains partis politiques, qui revendiquent leur islamisme. Cela étant, certaines situations renforcent la capacité opérationnelle d’Aqmi. Je pense notamment à la Libye, où un certain nombre d’armes a quitté le pays pour le Mali voisin, où Aqmi est présente et détient quatre de nos otages. Je déconseille fermement d’aller faire du tourisme au Sahel parce que la menace d’enlèvement est avérée, voire voisine de la certitude. Ce n’est pas le cas du Maroc, qui est un pays important qui fonctionne de manière efficace.
Où en est la menace terroriste en France?
La menace est à un niveau très él evé. Il ne faut pas s’en cacher. Il y a des activistes à tendance terroriste en France, mais il y a aussi une activité importante des services de police. En 2010, il y a eu 94 arrestations avec 36 écrous. Sur dix ans, on a enregistré 855 interpellations pour 220 écrous en France. Regardez les arrestations récentes en Allemagne, au Royaume-Uni, à Copenhague. Regardez les attentats à Moscou ou la récente tentative en Mauritanie contre l’ambassade de France. Les djihadistes ont toujours dit qu’ils voulaient s’en prendre aux pays occidentaux, dont la France, directement sur le sol français ou en s’attaquant aux intérêts français à l’étranger. On a eu ces derniers mois des menaces répétées, de la part de Ben Laden et de Droukdel, l’émir d’Aqmi, enjoignant à la France de retirer ses troupes d’Afghanistan, de cesser ses interventions dans des pays arabes et de retirer la loi sur le voile intégral. Il est évidemment exclu que la France se laisse dicter sa façon de vivre ou sa politique étrangère. Nous ne baisserons pas la garde.