Al-Qaida scelle sa rupture avec les djihadistes de l’EIIL

Le commandement d’al-Qaida a scellé sa rupture avec l’État islamique en Irak et au Levant (EIIL), en publiant un communiqué dans lequel il désavoue ce groupe djihadiste impliqué dans des combats meurtriers contre les rebelles en Syrie. Le communiqué, diffusé dans la nuit de dimanche à lundi, confirmait des propos récents du chef d’al-Qaida, Aymane al-Zawahiri, qui avait appelé l’EIIL à se retirer de Syrie, désignant un autre groupe djihadiste, le Front al-Nosra, comme étant sa filiale officielle en Syrie. Il survient alors que l’EIIL et des groupes islamistes de la rébellion se font la guerre en Syrie depuis que ces derniers, excédés par les exactions attribuées à l’EIIL et par sa volonté d’hégémonie, ont retourné leurs armes début janvier contre ces djihadistes dans les zones contrôlées par la rébellion dans le nord de la Syrie. Les combats féroces ont fait depuis plus de 1 700 morts, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH).

L’EIIL "n’est pas une branche d’al-Qaida, n’a aucun lien organisationnel" avec le réseau, qui "n’est pas responsable de ses actions", a affirmé le commandement général d’al-Qaida dans un communiqué mis en ligne sur les sites djihadistes. Il souligne qu’al-Qaida "n’avait pas été informé de la création de l’EIIL", un groupe jihadiste multinational dont la majorité des commandants sont étrangers et ont fait leurs armes en Irak, en Tchétchénie, en Afghanistan et sur d’autres fronts. L’EIIL est une émanation de l’État islamique en Irak (ISI), un groupe armé djihadiste dirigé par Abou Bakr al-Bagdadi, qui a envoyé des membres en Syrie mi-2011 pour fonder le Front al-Nosra. En avril 2013, Bagdadi a annoncé que l’ISI et Al-Nosra fusionneraient pour devenir l’État islamique en Irak et au Levant. Mais Al-Nosra a refusé d’adhérer à cette nouvelle entité. L’EIIL n’a jamais fait allégeance à Ayman al-Zawahiri, qui a désigné Al-Nosra comme la branche officielle d’al-Qaida en Syrie et refusé la fusion, appelant l’EIIL à retourner en Irak.

Risque de scission

Charles Lister, chercheur au Brookings Doha Center, exclut un changement d’attitude de l’EIIL après ce nouveau communiqué d’al-Qaida. "Si l’on tient compte de son comportement, il est invraisemblable que l’EIIL s’exprime pour s’excuser ou se rétracter." Charles Lister souligne que "tout cela est préjudiciable à la révolution syrienne", expliquant que "tant qu’elles se poursuivent, les hostilités entre ces groupes rendent invraisemblable toute forme de victoire (…) de l’opposition en Syrie".

Le commandement général d’al-Qaida déplore les combats fratricides et appelle à un "arrêt immédiat des combats" entre les groupes djihadistes. Le communiqué ajoute qu’al-Qaida ne doit pas être responsable d’actions portant préjudice "aux moudjahidine, aux musulmans ou aux non-musulmans". Les djihadistes "ne doivent pas se précipiter pour annoncer des émirats et des États (…) et les imposer aux autres", poursuit le texte. Les combats entre rebelles et djihadistes de l’EIIL ont fait au moins 1 747 morts dont 215 civils, au moins 979 rebelles et 531 combattants de l’EIIL depuis le 3 janvier, selon un bilan communiqué lundi par l’OSDH, une ONG qui s’appuie sur un large réseau de militants et médecins.

Le communiqué d’al-Qaida pourrait provoquer une scission au sein de l’EIIL, estime le chercheur Aron Lund, du centre Carnegie. Il intervient à la suite de propos d’un religieux salafiste saoudien en vue qui avait ouvertement critiqué l’EIIL pour n’avoir pas adhéré à un "plan de paix" djihadiste, souligne cet expert. "Il est très possible qu’il cause des divisions au sein de l’État islamique. Et même s’il ne le fait pas, il pourrait nuire à leur capacité de recrutement et à attirer des financements", poursuit Aron Lund. Il a cependant admis que les pressions n’allaient pas faire changer l’attitude de l’EIIL : "L’État islamique répondra négativement. Ils le font toujours, ils ne font pas de compromis."

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