Abus sexuels: place aux conclusions du pape François

Le pape François doit livrer dimanche ses conclusions sur un sommet de la haute hiérarchie catholique consacré aux abus sexuels du clergé, rythmé chaque jour par de cauchemardesques témoignages de victimes mais aussi des critiques inhabituellement cinglantes des rouages de l’Eglise.

Le pape a voulu faire comprendre aux 190 participants de tous les continents leur "responsabilité" individuelle et collégiale face aux scandales, et prendre aussi par le bras des épiscopats d’Asie et d’Afrique affirmant, y compris cette semaine, se sentir peu concernés.

Dimanche matin, tous étaient d’abord réunis pour une messe dans la majestueuse salle royale du Palais apostolique, là où ils avaient écouté samedi dans un silence glacé un jeune chilien expliquant que subir des abus sexuels "c’est l’humiliation la plus grande qu’un être humain subit".

"En écoutant les survivants, nous avons entendu le Christ crier dans les ténèbres", a déclaré Mgr Mark Coleridge, le président de la conférence épiscopale d’Australie, secouée par d’énormes scandales, chargé du sermon de cette messe.

"Nous avons parfois préféré l’indifférence de l’homme de la terre et le désir de protéger la réputation de l’Église et même la nôtre. Nous avons montré trop peu de miséricorde, et par conséquent nous récolterons la même chose", a souligné l’archevêque de Brisbane, en insistant: "Le pouvoir est dangereux, car il peut détruire".

"Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour être sûrs que les horreurs du passé ne se répètent pas", a-t-il promis au nom de ses pairs. "Nous nous assurerons que ceux qui ont agressé ne soient plus jamais en mesure d’offenser à nouveau. Nous demanderons des comptes à ceux qui ont dissimulé des abus".

Pendant le sommet, le cardinal colombien Rubén Salazar Gómez avait décroché la palme du discours le plus impitoyable, dénonçant une "mentalité cléricale" privilégiant "les bourreaux", "une déformation monstrueuse du ministère sacerdotal" et des prélats prêts à mentir "pour ne pas reconnaître l’horrible réalité".

Déjà minée par de nombreuses affaires d’abus dissimulés, la crédibilité de l’Eglise catholique a été sévèrement entachée en 2018 par de nouveaux scandales de grande ampleur, au Chili, aux Etats-Unis ou encore en Allemagne.

Aux présidents de 114 conférences épiscopales, chefs des Eglises catholiques orientales et supérieurs de congrégations religieuses, le pape a donc réclamé "du concret" dès le lancement des débats jeudi en distribuant une feuille de route en 21 points.

Les organisateurs n’ont cessé de répéter que des plans d’action, voire des changements législatifs, seront mis en chantier dès la fin du sommet. Un "vade-mecum" spécifiant les démarches à entreprendre si un cas d’agression sexuelle émerge est déjà en cours de rédaction pour les pays manquant d’experts.
Secret pontifical

Trois membres de la Curie ont évoqué la possible levée du "secret pontifical" pour des cas avérés d’abus sexuels du clergé. Ils veulent de la transparence sur les procédures judiciaires de l’Eglise, qui entendent les victimes comme témoins puis ne les informent jamais de l’état d’avancement du dossier.

Le Saint-Siège pourrait aussi mettre fin à l’opacité sur les statistiques documentant le nombre d’abus sexuels, qui alimente "des théories du complot", a souligné le cardinal allemand Reinhard Marx. Ce dernier a lâché une bombe samedi en admettant que des épiscopats ont pu détruire des dossiers sur des suspects.

Omniprésence des victimes

Les associations de victimes de pédophilie, bien décidées à faire entendre leur voix, ont ponctué la semaine d’actions mais seront forcément critiques sur l’absence d’un document final.

L’Americain Peter Isely, l’un des fondateurs de la nouvelle organisation internationale "End clergy abuse" (ECA), réclame ainsi une "tolérance zéro" absolue inscrite dans les lois de l’Eglise obligeant à évincer de la prêtrise tout prêtre reconnu coupable d’abus sexuels.

Toute la semaine, des témoignages poignants ont résonné, jusque dans la salle de réunion. L’assistance a ainsi entendu un Asiatique raconter avoir été agressé "plus d’une centaine de fois" et parler d’une "bombe à retardement" en Asie. Et une Africaine confier avoir avorté à trois reprises, sous la coupe financière d’un prêtre violent.

Les prélats ont été gratifiés au final du discours très incisif de Valentina Alazraki, une journaliste de télévision mexicaine, doyenne des voyages papaux, invitée pour leur parler de communication: "Moins vous informerez les mass media, et donc les fidèles et l’opinion publique, plus le scandale sera grand".

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