A Larache, la légende de Lalla Zouina continue de faire rêver les jeunes filles en quête de mari

Narjis Rerhaye (Reportage à Larache)

C’est un roc blanc, immense. A l’embouchure du fleuve Loukos et de l’Atlantique, le roc est exactement en face de Ras R’mal. A droite se dressent les remparts de la caserne érigée du temps des Saadyines, devenue plus tard l’hôpital espagnol. Aujourd’hui la bâtisse est à l’abandon. A quelques mètres de là, le centre culturel polyvalent de Larache est en construction.

L’énorme rocher blanc est devenu un élément historique du paysage. Les promeneurs de la corniche de Larache s’y rendent comme en pèlerinage. A Larache, le rocher blanc de la corniche une histoire. Et son histoire se raconte comme une belle légende. Et la légende s’appelle Lalla Zouina. C’est le nom que porte ce roc. Lalla Zouina, racontent les anciens de Larache, est l’épouse d’un marin pêcheur qui n’est jamais revenu d’une sortie en mer. Rentré en haute mer, il n’en est jamais ressorti. Depuis, sa femme, Lalla Zouina qui était d’une grande beauté, l’a attendu tous les jours et toutes les nuits au pied de ce rocher, guettant l’océan. On dit qu’elle est morte de chagrin sans jamais avoir perdu l’espoir de voir son mari revenir un jour. « Lalla zouina, c’est l’histoire d’un amour infini, d’une passion. C’est aussi l’histoire d’une tragédie traversée par l’espoir de voir revenir le mari que tout le monde pense emporté par les vagues de l’Atlantique », raconte Abdesslam Serroukh, acteur culturel de la ville, poète et passionné d’histoire. Abdesslam Serroukh a d’ailleurs consacré à Lalla Zouina une chanson que chante l’orchestre féminin « Lalla Menana ».

Sur la corniche, derrière la médina, la légende n’a pas pris une ride. Les jeunes filles en quête de mari viennent y accrocher des bouts de tissu, allumer des cierges et y déposer des offrandes comme pour honorer la mémoire de Lalla Zouina, cette amoureuse morte de chagrin. « Les plus courageuses s’y lavent et croient aux bienfaits des 7 vagues qui doivent nécessairement les percuter. Puis elles enduisent les recoins de la roche d’huile d’olives et de henné », explique la vieille Fatima dans un immense sourire. Fatima dit ne pas croire à ces « balivernes » mais trouve l’histoire de Lalla Zouina tellement émouvante qu’elle n’y veut retenir qu’une belle légende.

Si le célèbre rocher de la corniche de Larache porte le nom d’une femme, il était aussi connu de tous les marins et pêcheurs, souvent venus de loin. Pour amarrer au port de Larache, le roc blanc de Lalla Zouina, visible dans la nuit noire, servait de repère aux marins. « En ce temps-là, le phare de Larache n’existait pas. Dès que les marins apercevaient de loin l’immense rocher, ils savaient qu’ils étaient à Larache», indique ce larachois, spécialiste de l’histoire des océans.

La légende de Lalla Zouina traverse le temps. Les religions aussi. Ici, les vieilles familles de Larache ont pris l’habitude de déposer au creux du rocher blanc des plats cuisinés sans sel. « Une coutume héritée de la culture des Juifs de Larache. Selon les croyances locales, les esprits se nourrissent de nourriture sans sel », nous apprend Abdesslam Serroukh.

On dit que l’esprit de Lalla Zouina, lui, est toujours vivant. Des pêcheurs assurent avoir vu une belle femme trônant sur le rocher. Les soirs de grande lune, quand l’Atlantique est paisible et que le fleuve Loukos brille des feux d’un ciel étoilé, on peut voir ses larmes…

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Ce site Web utilise des cookies pour améliorer votre expérience. Nous supposerons que vous êtes d'accord avec cela, mais vous pouvez vous désinscrire si vous le souhaitez. J'accepte Lire la suite