Aussi bien dans l’Europe chrétienne qu’en terre d’islam, l’intolérance menace de devenir une industrie florissante, la xénophobie un investissement politique lucratif, l’exclusion une posture à la mode et la confrontation au nom de la religion une pratique banalisée et dangereuse. C’est dans ce contexte de chocs de cultures, de possibles de confrontations avec des dynamiques religieuses et identitaires, que des grandes consciences comme le chef de l’église catholique et le Commandeur des croyants fassent entendre leurs proximités politiques et religieuses est un signal fort à destination de tous ceux qui sont tentés par l’extrémisme ou le populisme
Un des grands enjeux de la rencontre entre le Pape François et le Roi Mohammed VI est de signifier à la communauté des croyants de toutes obédiences, notamment à tous ces jeunes passionnés par leur foi et qui veulent faire cohabiter dans un même espace modernité et religiosité, qu’un dialogue intelligent est non seulement possible mais indispensable à la paix dans le monde, qu’une bataille commune contre les radicalités de tout genre est la seule voie pour se prémunir des tentations subversives, que les principes de cohabitation et de vivre ensemble ne sont pas des concepts vains ou chimériques. Au Maroc, pays du vivre ensemble et de l’œcuménisme, ces approches possèdent un sens pratique.
Trente-quatre ans après le Pape Jean Paul II, le Pape François foulera la terre d’un pays le Maroc qui a beaucoup changé. Il découvrira un royaume en plein mouvement, porté par une dynamique de changement et d’adaptation aux évolutions du monde. Dans ce pays à la jeunesse imposante, à la fois avide d’inscrire son action dans le grand destin de la mondialisation tout en conservant ses précieux particularismes, le Pape François aura à dialoguer avec un pays où les grandes lignes ont bougé sur les grandes préoccupations sociétales, au point parfois de devenir un pays précurseur dans un espace arabe et africain régi par les conservatismes paralysants et les insurmontables poids des traditions.
Sur le plan religieux, incarnant dans l’ADN de son régime politique un islam de la modération et du juste milieu, le Maroc, porté par la commanderie des croyants est devenu une grande fabrique des stratégies de lutte contre les discours radicaux, avec un savoir-faire, une expertise reconnue internationalement. Le tout nourri par une inconstatable légitimité religieuse qu’incarne le Roi du Maroc.
Aussi bien pour une Afrique dont une partie de la jeunesse déboussolée par les frustrations de la mondialisation pourrait être tentée par les sirènes mélodieuses mais trompeuses du discours radical, qu’une Europe qui perçoit la posture islamique comme une menace pour ses croyances et son identité, le Maroc aspire à jouer un rôle modération conceptuelle qui éteint les flammes de la radicalité et des ruptures.
Non seulement le Royaume donne l’exemple sur le plan de l’élaboration de la parole religieuse mais il s’illustre aussi sur le plan de la pratique des politiques d’accueil des migrants. Une problématique chère au Pape François qui en a fait un des emblèmes de son mandat à la tête du Vatican. Tandis que d’autre pays se livrent sans vergogne à la chasse aux migrants, les considérant presque sources de leur malheur, le Maroc s’est distingué par une politique d’accueil dont la générosité et l’humanisme correspond à tout point de vue aux valeurs prônées par l’église catholique. C’est cette même église qui se bat au quotidien sur les territoires européens pour que cessent les exclusions et les stigmatisations qui frappent les migrants. Le Maroc perçoit ces migrants non comme une menace susceptible de déstabiliser ses équilibres mais comme une richesse capable de renforcer ses atouts. Sur ce terrain-là, Le Pape François et le Roi Mohammed VI pourront dérouler les mêmes ambitions et les mêmes objectifs.