Ces élections, pas comme les autres par ses différents aspects, voient 1.055 candidats en lice pour les 161 sièges, soit le nombre le plus faible jamais enregistré au cours de toutes les précédentes échéances que le pays ait connues depuis 2011.
Selon les observateurs, il s’agit d’élections pas comme les autres du fait de l’exclusion de facto des partis politiques de ce scrutin, d’un code électoral uninominal à deux tours contesté, d’un futur parlement aux pouvoirs limités comme le stipule la nouvelle Constitution du 25 juillet 2022 qui donne les pleins pouvoirs au président.
Des pouvoirs sans partage qui font l’objet d’une grande contestation à l’intérieur et de critiques directes à l’extérieur, perçus comme une « dérive autoritaire » et un « virage vers un système hyper présidentialiste ».
Dans ce climat de morosité, de doute et également de désenchantement, les appels incessants au boycott venus de tous bords (partis politiques, organisations de la société civile…) risquent d’être un facteur important de démobilisation de l’électorat.
Des électeurs qui, manifestement, à la faveur d’une campagne terne, sans véritable débat public, ni un profil convaincant des candidats, peu d’enthousiasme ou un faible engouement.
La population cible est plutôt préoccupée par un coût de la vie de plus en plus insupportable avec un taux d’inflation ayant frôlé en novembre les 10%, des pénuries des produits de première nécessité qui s’inscrivent dans la durée et une absence de perspective chez les catégories sociales les plus vulnérables.
Ces élections ne sont pas comme les autres puisque sur les 1.055 candidats, de nombreux futurs élus sont venus sur la scène politique par accident, poussant plusieurs à les qualifier d’apprentis politiciens.
Ces candidats se recrutent dans tous les milieux. Comparativement aux anciennes assemblées, on ressent un net nivellement par le bas. Environ un candidat sur six n’a pas d’activité déclarée. Les autres sont, pour une large moitié, issus de la fonction publique et de l’enseignement. Une centaine vient du secteur libéral ou agricole.
La présence féminine est plus que symbolique. Elles sont seulement 122, contre 936 hommes, la parité, jadis cheval de bataille dans de pareilles échéances, est tout simplement sacrifiée, ignorée.
Autre fait inhabituel, la plupart des circonscriptions à l’étranger sont privées de candidats. Trois n’en ont qu’un seul, donc élu d’avance. Sept autres circonscriptions au plan national ont connu le même sort, avec chacune un seul candidat.
Selon un grand nombre d’analystes, dans ce climat morose, il sera particulièrement difficile de s’attendre à un taux de participation appréciable notamment des jeunes, plus que jamais désabusés et souffrant d’un chômage endémique.
Après le taux d’abstention record du 25 juillet dernier lors du référendum sur la nouvelle constitution (70% d’abstention), les dernières nouvelles, pas du tout reluisantes, ne sont pas à même de provoquer le déclic espéré.
D’abord, les jeunes se déclarent ne pas se sentir concernés par un scrutin qui va élire un « Parlement marionnette » et incapable de changer de fond en comble la donne dans le pays.
Ensuite, le mauvais signal est venu, vendredi 16 décembre, du Fonds Monétaire International qui a déprogrammé in extremis, soit 24 heures avant le tenue de son conseil d’administration de son ordre du jour l’approbation de l’accord préliminaire sur un crédit de 1,9 milliard de dollars à la Tunisie, pourtant vital pour éviter au pays une banqueroute inévitable.
De surcroît, il s’agit d’un rendez-vous électoral largement contesté par la classe politique et sociale. La plupart des formations politiques, toutes tendances confondues, boycottent le scrutin.
Plusieurs partis d’opposition continuent à manifester et à dénoncer le durcissement du régime.
A quelques jours seulement du vote, de nouvelles voix se sont élevées pour critiquer « l’incertitude politique qui règne », comme le souligne la Ligue tunisienne des droits de l’homme (LTDH) ou le « manque de transparence du gouvernement » comme le soutient la centrale syndicale (UGTT).
D’ailleurs le Secrétaire Général de l’UGTT, Noureddine Taboubi, n’a pas maché ses mots, critiquant vivement, le 3 décembre dernier, les élections législatives, estimant qu’elles n’avaient aucune raison d’être après la réforme très contestée de la Constitution qui réduit fortement le rôle des partis politiques.
Et d’ajouter que « Nous allons vers des élections qui n’ont ni goût ni couleur, qui résultent d’une Constitution qui n’a été ni participative (dans son élaboration) ni soumise à l’approbation de la majorité ».
Last but not least, 48 heures avant l’ouverture des urnes, le parlement européen avait donné une estocade inattendue aux autorités tunisiennes en annonçant son boycottage des élections.
Le communiqué publié par les députés européens reflète leur doute sur la crédibilité de ce processus, faisant savoir que « le Parlement européen n’observera pas ce processus électoral, et par conséquent ne commentera ni le processus ni les résultats. Aucun membre individuel du Parlement européen n’a reçu de mandat pour observer ou commenter ce processus électoral au nom du Parlement ».