Comme le Maroc a depuis longtemps adopté la politique de bon voisinage et la volonté de réconciliation avec son voisin algérien, la main de fraternité tendue par le Roi Mohammed VI a l’occasion du 23ème anniversaire de son accession au Trône peut paraître une redondance politique et diplomatique. Et pourtant non. Cette nouvelle ouverture vers l’Algérie est aussi unique, originale que diplomatiquement courageuse dans un contexte politique à la fois mouvant et dangereux.
D’abord le souverain marocain réitère avec des mots bien choisis l’incontestable amitié et de bon voisinage que le Maroc a toujours voulu instaurer avec les Algériens. Il affirme haut et fort que ce peuple algérien ne trouvera chez les Marocains qu’aides et soutiens dans un contexte politique et économique très dur que traverse la région. Il met en garde les forces obscures et les milieux occultes qui travaillent à semer la discorde entre les deux peuples. Il adresse un message sous forme de challenge politique à la présidence algérienne l’engageant à privilégier la logique de la réconciliation et de l’apaisement plutôt que l’escalade et la rupture.
Isolés de leur contexte actuel, ces prises de positions et ses harangues royales en direction de l’Algérie ne sont que le reflet et la continuation d’une politique de modération, de maîtrise de soi, d’une disponibilité à régler les différents par le dialogue. Le choix stratégique du Maroc a toujours été de ne pas tomber dans le piège de la provocation algérienne, de ne pas répondre aux insultes nourries à son égard par des milieux et des personnalités ouvertement instrumentalisés, de traiter par le mépris toutes les provocations.
Or, le grand intérêt stratégique et politique de ces prises de position royales, c’est qu’elles interviennent dans un contexte algérien et régional particulièrement explosif.
D’abord le contexte algérien. La politique d’hostilité et d’agressivité permanente à l’égard du Maroc commence à s’essouffler. Le régime algérien n’a plus les moyens politiques et médiatiques de convaincre une opinion algérienne de plus en plus sceptique qu’il sacrifie sa relation avec le Maroc pour assouvir une rêve aussi hypothétique que fantasmé de soutien aux séparatistes du Polisario. Même les prétextes évoqués pour justifier la fermeture des frontières selon lesquels il s’agit de protéger le pays des trafiquants de drogue a été vidé de sa substance. L’impression est installée qu’on arrive à la fin d’un cycle de propagande, de justifications fallacieuses et de prétextes artificiels.
L’algérien moyen comprend de moins en moins cette psycho rigidité de son régime à vouloir absolument traiter le Maroc d’ennemi éternel quand il constate toutes les mains de réconciliation et de fraternité tendues par le Roi Mohammed VI, quand il voit les bonnes dispositions d’esprit de ses voisins marocains à son égard.
Ce phénomène est extrêmement important car il participe efficacement à isoler les milieux pyromanes algériens qui n’ont qu’une obsession, celle de plonger la région dans un bain de sang pour justifier leur maintien au pouvoir. Quand le Maroc parle de paix et de réconciliation avec autant de force et de convictions, le citoyen algérien ne comprend plus pour quelles raisons obscures son régime s’entête à maintenir une posture de haine et d’agressivité injustifiées.
Ensuite il y a le contexte régional et international. Ces propositions royales de paix et de bon voisinage interviennent alors que le régime algérien entretient des relations tendues avec l’ensemble de son environnement. Défi à l’égard de la France, rupture à l’égard de l’Espagne, chantage à l’égard de La Tunisie et de la Mauritanie, agressivité à l’égard de la Libye, le régime algérien est au bord de devenir un Etat voyou sur le modèle iranien ou Nord coréen.
S’ajoute à ces relations difficiles sa volonté d’organiser un sommet de la Ligue arabe en novembre prochain. Or ce sommet ne peut avoir lieu tant qu’Alger ne met pas fin à sa rupture unilatérale avec le Maroc. Et mauvais signe que ce sommet n’est pas sur la bonnes voie, l’Arabie saoudite qui s’est portée volontaire pour une médiation entre le Maroc et l’Algérie commence elle aussi à voir rouge du côté d’Alger. Son prince héritier Mohamed Ben Salman qui devait se rendre en Algérie à la fin de sa tournée européenne, qui avait englobé la Grèce et le France, a annulé son étape algérienne sans donner aucune explication. La logique voudrait qu’une mésentente politique entre le régime algérien et l’Arabie saoudite soit à l’origine de cette annulation.
C’est dans ces contextes qu’il faut lire et apprécier les propositions royales à l’égard de l’Algérie. Le président algérien Abdelamdjid Tebboune est une nouvelle fois directement challengé pour permettre à son pays d’écrire une nouvelle page de son histoire avec le Maroc. Saura-il prendre la main royale tendue vers la réconciliation et la fraternité ou continuera-il à enfermer son pays dans une sorte d’autisme politique aux conséquences aussi néfastes pour les Algériens et les peuples de la région ?