Si traditionnellement ce discours devant une session conjointe du Congrès, est dominé par l’agenda national, cette escalade militaire qui ébranle l’Europe et au-delà, avec la menace nucléaire brandie par la Russie, risque d’occuper une bonne place dans le discours du locataire de la Maison Blanche.
Le président démocrate, qui pâtît d’une baisse de popularité en raison d’un climat de morosité et de divisions, tentera de mettre en avant la santé de l’économie américaine qui donne de signes de vigueur après la récession induite par la crise sanitaire, à la faveur des avancées de la vaccination et des plans massifs de soutien et de relance.
A l’approche des élections de mi-mandat, il aura fort à faire pour convaincre ses concitoyens confrontés à un renchérissement du coût de la vie avec une inflation au plus haut depuis quatre décennies.
«Les électeurs se soucient de l’inflation parce qu’ils la voient et la ressentent tous les jours. Ils comprennent qu’elle ne peut pas être vaincue du jour au lendemain. Mais ils ont peu de patience avec les politiciens qu’ils perçoivent comme indifférents à la hausse des prix de l’essence, de la nourriture, du logement et de presque tout le reste », écrit le Washington Post qui estime, dans une chronique de l’un de ses éditeurs, que Biden devrait traiter le sujet avec « l’urgence qu’il mérite ».
Dans ce moment délicat pour l’économie américaine et mondiale, qui sort à peine des affres de la pandémie, l’escalade militaire autour de l’Ukraine ébranle davantage la confiance des ménages et des investisseurs. Outre une crise humanitaire qui risque de s’aggraver à mesure que le conflit s’étend, l’inquiétude grandit au vu de la flambée des prix du pétrole et des denrées alimentaires, les perturbations des chaînes d’approvisionnement et des marchés financiers qui vacillent.
Pour M. Biden, le discours sur l’état de l’Union à une heure de grande écoute, est une plate-forme idoine pour faire montre de leadership, redonner confiance aux Américains et rallier le soutien à son agenda législatif bloqué par le clan républicain et deux élus démocrates clés, en vue de faire notamment adopter un plan de grande envergure sur les dépenses sociales.
Il exhorte également les législateurs à confirmer ses candidats au Conseil de la Réserve fédérale qui s’apprête à relever ses taux directeurs pour lutter contre l’inflation de même qu’il évoquera son choix de la juge Ketanji Brown Jackson, première afro-américaine à siéger à la plus haute magistrature du pays, une fois confirmée par le Sénat.
Selon la porte-parole de la Maison Blanche, Jen Psaki, le président américain consacrerait une partie de son intervention pour mettre en avant les efforts de l’administration sur la question ukrainienne, en particulier l’action diplomatique et la salve de sanctions financières imposées par les Etats-Unis et ses alliés occidentaux contre la Russie.
Tout en mettant en avant «l’importance des États-Unis en tant que leader dans le monde », Biden évoquera, selon Mme Psaki, l’effort consenti pour mettre en place « une coalition mondiale imposant des sanctions financières paralysantes » aux secteur financier, aux entreprises, et aux élites russes, et même contre le président russe.
L’agenda national restera néanmoins le principal souci du locataire de la Maison Blanche dans un contexte de très faible taux de popularité dans les sondages et une élection de mi-mandat imminente qui servira d’évaluation la plus tangible de la confiance des Américains dans M. Biden et son Parti démocrate.
« L’état de l’union est la désunion et la division. C’est un état d’épuisement dû à la pandémie (…) le pays s’interroge sur la manière d’assurer la sécurité des enfants et ce qu’il faut leur apprendre, fatigué des ordres de porter des masques, meurtri par une fin ignominieuse d’une guerre, en Afghanistan, et soudain beaucoup s’inquiètent de l’expansionnisme russe », écrit l’Associated Press dans un commentaire.
Pour le politologue James Freeman, le discours de ce mardi soir représente une excellente occasion pour M. Biden, qui avait promis de rassembler les Américains, de «commencer à redéfinir sa présidence avec un nouveau programme de force et de prospérité» dans un pays encore profondément divisé.