La grève des sans-papiers, un casse-tête pour Eric Besson
Déclenchée en octobre 2009, la grève s’est déroulée dans la discrétion jusqu’à l’occupation des marches de l’Opéra Bastille, le 27 mai. Depuis, 300 sans-papiers sont sur place nuit et jour, pour réclamer une circulaire sur les critères de régularisation.
« Nous attendions ce rendez-vous avec impatience pour voir ce que l’Etat va nous proposer, pour l’instant il souffle le chaud et le froid », affirme Catherine Lebrun, de l’Union syndicale Solidaires. Elle reproche aux dirigeants français « d’être obnubilés par la question des flux migratoires » et « de détenir la palme de la xénophobie d’Etat ». La responsable syndicale insiste sur la nécessité « d’un décret pour régulariser tous ceux qui travaillent au noir ».
La contestation porte essentiellement sur l’examen des demandes de régularisation au cas par cas, comme le stipule la circulaire édictée par Eric Besson le ministre de l’immigration, le 24 novembre. Les sans-papiers réclament une clarification des critères de régularisation qui diffèrent selon les préfectures. « Le cas a beau être le même, les préfectures réagissent différemment, plusieurs de mes compatriotes se sont retrouvés au Mali », s’exclame Kanté Makan, arborant un pin’s avec comme inscription : « je bosse ici, je vis ici, je reste ici ». La devise parle d’elle-même.
« La carotte et le bâton »
Catherine Lebrun dénonce la politique du gouvernement, « mercredi nous étions en discussion avec le ministère du travail et le lendemain matin, les forces de l’ordre ont mené une opération contre les grévistes ». Allusion à l’évacuation musclée des sans-papiers des marches de l’Opéra Bastille. « Les CRS sont arrivées de l’intérieur de l’Opéra, nous ont dégagé en utilisant des bombes lacrymogènes, sans même nous laisser le temps de prendre nos affaires », raconte un sexagénaire malien.
Selon les chiffres des syndicats et des grévistes, 43 travailleurs sans papiers seront interpellés puis relâchés « grâce à l’intervention de personnalités de la gauche », confie Lahmar Rachid, en grève depuis le 12 octobre. Arrivé il y a dix ans d’Oujda au Maroc, il était embauché en CDI comme agent de sécurité, un emploi sacrifié pour la cause, qui lui a aussi coûté son logement. « Je me retrouve sans rien alors que j’ai toujours payé mes impôts et toutes les autres cotisations, y compris la redevance télévision » souligne ce marocain, coupé de sa famille depuis huit ans. « Nul ne peut tolérer une telle précarité ».
Dans le campement de fortune, constitué de travailleurs d’Afrique Sub-saharienne, de maghrébins et de chinois et où trônent couvertures et tapis, l’ambiance est bon enfant comme le confirme Abdelwahab, un tunisien employé dans la restauration. « Nous partageons ce que nous possédons, nous sommes très solidaires et surtout très reconnaissants de l’action menée par les onze associations».
L’autre soutien émane d’artistes célèbres venus manifester soutien et solidarité, à l’image de Juliette Binoche, Jacques Higelin, Josiane Balasko ou Guy Bedos. Un appui également d’une partie du patronat exposé à des sanctions pénales et financières pour embauche de travailleurs clandestins.