Les scientifiques considèrent généralement que l’eau a été apportée dans notre système solaire, y compris sur la Terre, par des astéroïdes ou des comètes provenant de beaucoup plus loin. Mais si le rôle du Soleil dans l’origine de l’eau lunaire était confirmé, un tel mécanisme pourrait également avoir contribué à l’apparition de molécules d’eau ailleurs dans notre système solaire, soulignent Yang Liu, de l’Université américaine du Tennessee à Knoxville, et ses collègues.
Le Soleil émet un flot continu de particules, phénomène baptisé "vent solaire" qui lui fait perdre 1 million de tonnes par seconde, un rétrécissement infime à son échelle. Ces particules, en grande majorité des ions d’hydrogène mais aussi de l’hélium et des traces d’oxygène, ne peuvent atteindre la surface de la Terre, protégée par son épaisse atmosphère et son champ magnétique. Mais la Lune est dépourvue de telles barrières et est en permanence bombardée par le vent solaire, qui "implante" ses particules dans la poussière recouvrant le sol lunaire, le "régolithe".
Or cet hydrogène ainsi semé à la surface de la Lune peut être transformé en une molécule d’eau (H2O) ou une molécule proche, l’hydroxyle (HO), même si on ignore encore précisément comment. A la lueur des récentes découvertes par la Nasa d’importantes quantités d’eau gelée près du pôle sud de la Lune, Yang Liu et son équipe ont analysé des échantillons de "verres lunaires" récoltés par les missions américaines Apollo. Leurs travaux, publiés dans la revue britannique Nature Geoscience, démontrent qu’une grande partie de ces échantillons contiennent bien de l’hydroxyle et de l’eau dont les atomes d’hydrogène sont de même nature que ceux du Soleil.
"Ces observations sont cohérentes avec des sols lunaires enrichis en hydrogène implanté par le vent solaire", confirme Marc Chaussidon, spécialiste en géochimie (CNRS/Université de Lorraine), dans un commentaire séparé publié par Nature. Les mesures effectuées par l’équipe de Yang Liu indiquent aussi au moins deux autres sources d’hydrogène: l’une similaire à l’eau contenue dans la plupart des comètes et l’autre liée à des réactions nucléaires produites par des particules. Toutefois, "le débat reste ouvert sur l’origine et la répartition de cette eau, ainsi que sur sa date de livraison sur la Lune", précise M. Chaussidon.
Pour les auteurs de l’étude, cela suggère cependant que d’autres corps de notre système solaire, dépourvus d’atmosphère et directement exposés au vent solaire comme la Lune, peuvent également abriter des traces d’hydroxyle. Selon eux, la planète Mercure, la plus proche du Soleil, et l’astéroïde Vesta, qui tourne autour de notre astre, pourraient être de bons candidats.