Valoriser et sauvegarder le patrimoine méditerranéen : nouveaux défis, nouvelles ambitions, nouveau management
La première manifestation « Les Ateliers du Management du patrimoine méditerranéen », initiée sous le patronage de M. Nicolas Sarkozy et la double présidence franco-égyptienne de l’Union pour la Méditerranée, s’est déroulée le mardi 25 mai au Carrousel du Louvre.
Plutôt qu’autour d’une « classique » tribune ponctuée de débats, Vocations Patrimoine, organisateur de la manifestation, a fait le choix d’exposer une « vitrine d’expériences », innovantes et structurantes, aptes à influencer le développement d’autres sites des pays de la Méditerranée vers un tourisme durable, éco-responsable et plus culturel que balnéaire. Les thèmes ont été structurés en 6 plateaux.
Le 1er plateau s’attachait à envisager « Le patrimoine mondial comme valeur universelle, rapprochement des peuples et des cultures ». Les intervenants de l’Unesco (MM. J. Audouze, A. Beschaouch et Mme A. Lemaistre) s’accordaient sur la notion de « valeur universelle exceptionnelle » du patrimoine, sur sa portée et son importance pour la paix dans les esprits et les cultures. La Méditerranée ne doit pas être une frontière, mais un lieu de rencontre au travers de sites inscrits au patrimoine mondial de l’humanité.
Des experts de « terrain » complétaient cette démonstration par la présentation de projets concrets et mis en œuvre. M. Amyn Alami, président de Mogador-Essaouira au Maroc, détaillait ainsi le projet d’un complexe hôtelier durable, respectant les critères de responsabilité économique et sociale mais aussi historique et culturelle, s’intégrant dans un écrin végétal bordé par des sites exceptionnels comme la Medina (classée au patrimoine mondial) et l’île réserve ornithologique de Mogador. M. R. Lanquar, président de Cordoba Horizontes mettait l’accent sur l’importance du tourisme en tant que médiation culturelle, soulignant la place trop faible des campagnes et des traditions populaires qui justifient pleinement le concept des « itinéraires et des routes ».
Pour M. C. Mourisard, adjoint au Maire d’Arles, le patrimoine doit être partagé avec l’ensemble de la population, afin de créer un lien social très fort. Le retour sur investissement du tourisme « durable » est extrêmement élevé à Arles, 1 euro d’investissement générant 6 euros de revenus. Enfin, M. Zafer Oter, universitaire en charge du projet Miras en Turquie expliquait comment mieux rééquilibrer l’offre touristique locale grâce à sa fédération via des professionnels du secteur mais aussi des équipes scientifiques et inter-universitaires.
Le 2ème plateau avait trait aux sites du patrimoine en Méditerranée, avec des exemples de solutions et des échanges de bonnes pratiques. Il s’agissait en fait d’analyser les défis posés par la pollution de la mer Méditerranée qui met en péril les sites naturels, les sites culturels mais aussi les sites sous-marins de la région. La Méditerranée regorge d’épaves et de vestiges et les experts en patrimoine subaquatique tentent difficilement de les préserver. D’autres expériences impliquait des situations particulières, comme la montée de la nappe phréatique qui menace le site d’Abu Mena en Egypte.
Le 3ème plateau se focalisait sur le tourisme durable, facteur clé du développement économique et de réduction de la pauvreté, avec, pour corollaire, l’implication des populations locales. En effet, avec 298 millions d’arrivées internationales en 2008 (derniers chiffres connus), soit 32,4% du tourisme mondial, la Méditerranée est la première destination touristique du monde, générant 10 millions d’emplois directs. Mais, un touriste « international » ne dépense en moyenne que 803 US$ par séjour en Méditerranée, à comparer à une dépense de 2 075 US$ aux Etats-Unis ! Il y a donc une marge de progression importante, notamment au travers du développement du tourisme culturel, les dépenses de cette catégorie étant 2 fois supérieures à celles des touristes effectuant un séjour balnéaire.
Parmi les interventions, relevons celle de M. Henry-Marty Gauquié, directeur de la Banque européenne d’investissement (BEI), qui a détaillé le projet Medina 20/30, de revitalisation du patrimoine urbain de la Medina de Meknès. Piloté aux côtés de la CDC et de la Banque mondiale, ce projet ambitionne de faire participer les habitants, de développer une large palette d’outils financiers, de traiter la problématique du foncier et du logement/relogement des habitants, de trouver de nouvelles fonctionnalités économiques (préservation de l’acquis culturel mais conversion de certains bâtiments…), d’intégrer la problématique de l’inclusion du patrimoine urbain restauré au patrimoine existant. D’après M. H-M Gauquié, il faut prendre en compte le risque d’une valorisation touristique insuffisante et surtout « ne pas tomber dans le piège culturel de Disney… ou du ghetto ! ».
Les plateaux 4 et 5 se focalisaient sur « La formation, l’acquisition et la transmission des savoirs, les filières de demain, les débouchés professionnels » et « Les métiers de dirigeants et gestionnaires de site, la mise en œuvre de stratégies et méthodes entrepreneuriales ». Pour favoriser l’émergence de nouvelles compétences, des filières de formation sont progressivement « inventées » et mises en place, à l’image de celles créées à l’Université technique de Cottbus en Allemagne, à l’University College de Dublin en Irlande, ou celle lancée à l’occasion de cette manifestation par Paris IV Sorbonne (en association avec ESCP Europe). Ces formations sont sanctionnées par le diplôme de « Master en Management de sites du Patrimoine Mondial » pour des lauréats issus de toutes les régions du monde. La professionnalisation des acteurs concerne également les dirigeants de site, qui doivent non seulement sauvegarder les revenus générés par leur site, mais résister aux pressions exercées par les visiteurs.
Le plateau 6 « Construire ensemble une valorisation nouvelle du patrimoine alliant le développement économique et le développement durable» réalisait en quelque sorte la synthèse des différents plateaux, revenant sur les enjeux touchant la gestion économique et financière et la gestion intégrée durable.
Enfin, 9 lauréats primés étaient distingués avec la remise des Bourses des Ateliers, lauréats qui effectueront leur stage à partir de l’automne 2010.