Un héritage, ça peut se refuser
Etre héritier n’est pas toujours un cadeau. Le défunt a priori bien doté peut avoir dilapidé sa fortune. Face à un patrimoine grevé de dettes, il faut se poser la question d’accepter ou de refuser l’héritage. Mais quelles formes faut-il respecter, quelles sont les précautions à prendre, les droits à payer ? Réponses en trois scénarios.
L’acceptation peut être pure et simple. « En ce cas, lorsque la succession est déficitaire, l’héritier acceptant sera tenu de supporter ce déficit, prévient Me Jean-François Sagaut, notaire à Paris. On dit que l’héritier est tenu "ultra vires successionis", c’est-à-dire au-delà des forces actives de la succession. » De fait, il répond de toutes les dettes, y compris sur son propre patrimoine. Raison pour laquelle l’acceptation pure et simple ne doit être décidée que si l’on est sûr de recueillir davantage que les dettes.
L’acceptation peut aussi être à concurrence de l’actif net. Dans ce cas, le risque est beaucoup plus réduit, l’héritier étant alors seulement tenu au règlement du passif dans la limite de l’actif recueilli. Attention : il peut arriver que certaines dettes ne soient pas connues au moment du règlement de la succession. Dans ce cas, elles sont à régler aussi.
Une décision personnelle
S’il a de sérieux doutes sur les dettes, l’héritier peut encore refuser la succession. « Il ne sera pas, dans ce cas, tenu au paiement des dettes de succession, à l’exception des frais funéraires et d’obsèques », précise Me Sagaut, avant d’ajouter : « Mais, attention, cette renonciation doit résulter d’une déclaration expresse auprès du greffe du tribunal de grande instance du lieu d’ouverture de la succession. »
Le cas du légataire
Lorsque la succession comporte plusieurs bénéficiaires, il peut arriver que tous les héritiers ne soient pas d’accord sur la décision à prendre. L’option est personnelle, elle ne lie pas les cohéritiers. Lorsqu’une personne renonce à son héritage, sa part accroît la part dévolue aux autres cohéritiers. « Sauf, note Me Sagaut, s’il y a application du mécanisme de la représentation successorale pour lequel l’héritier renonçant est représenté par ses descendants ou ses collatéraux privilégiés. » Quoi qu’il en soit, si un seul héritier accepte la succession, il doit payer les dettes même si celles-ci se révélaient supérieures à l’actif.
Il existe une différence entre héritier et légataire. L’héritier est désigné par la loi. Pas le légataire qui, lui, est institué par testament du défunt. Qu’il soit héritier ou légataire universel, le bénéficiaire est solidaire du paiement de tous les droits et des dettes. Ce n’est pas le cas du légataire particulier, qui n’est tenu au paiement des dettes qu’à concurrence des biens qu’il reçoit.
Quatre mois pour réfléchir
L’héritier a quatre mois au minimum à partir de l’ouverture de la succession pour accepter ou refuser l’héritage. Sans réponse au bout de ce délai, un créancier, un cohéritier ou encore l’Etat peut lui demander de se prononcer sur sa décision. A partir de là, l’héritier dispose de deux mois pour exercer son option successorale ou demander au juge un délai supplémentaire. « A défaut d’avoir pris sa décision à l’expiration du délai de deux mois, l’héritier est réputé avoir accepté la succession », conclut Jean-François Sagaut. Mais si personne ne l’a contraint à se pro-noncer, au bout de dix ans, l’héritier est considéré comme renonçant à l’héritage. Toutefois, le délai ne court pas tant que l’héritier ne connaît pas ses droits successoraux.
Un conseil, en cas de doute sur les dettes, l’idéal est de faire traîner les choses. Une fois acceptée, la succession ne peut plus être refusée. A l’inverse, si l’on renonce, il est possible, dans certains cas d’accepter ensuite.
Les Echos