Aux yeux d’un certain nombre d’observateurs, au lieu de s’éclaircir, le ciel n’a fait que s’assombrir davantage et les solutions promises à toutes les questions qui ne cessent d’angoisser les citoyens dans leur vie quotidienne, restent en suspens, sans aucune chance de trouver de sitôt le chemin de la résolution.
En lieu et place, les Tunisiens ont eu droit à un discours toujours vindicatif, clivant prenant pour cible toute voix discordante. La thèse du complot contre la sûreté intérieure de l’Etat est, plus que jamais, le sujet de prédilection du discours officiel qui divise les Tunisiens entre vrais patriotes et des traîtres corrompus à la solde de puissances étrangères.
La traduction de cette donne se perçoit, d’après des organisations de défense des droits de l’Homme, à travers le musèlement de l’opposition, le recul des libertés publiques qui a condamné au silence une grande partie de la société civile, l’absence de tout débat public, le grand bond en arrière de la liberté d’expression à la faveur de la promulgation de lois jugées « liberticides » et l’incapacité notoire à gérer efficacement la crise migratoire qui ne fait que gagner en complexité.
En plus de la promulgation du fameux décret en septembre 2022 qui lutte contre la propagation de fausses informations sur les réseaux sociaux, on vient d’annoncer que des poursuites judiciaires seront engagées à l’encontre d’administrateurs de pages Facebook, de comptes et des groupes électroniques responsables de publication de fausses informations portant atteinte à autrui, à la sécurité nationale ou encore à l’Etat tunisien.
La nomination, le 1er août dernier, tard dans la nuit d’un nouveau Premier ministre, n’a pas produit l’effet escompté. Mohamed Hachani (66 ans), un autre inconnu de la scène politique, ne s’est pas encore adressé, deux mois après, aux Tunisiens, ni présidé la réunion du conseil des ministres.
Manifestement, la rentrée politique a été marquée par une nouvelle vague d’arrestations d’hommes politiques, de hauts fonctionnaires de l’Etat, de journalistes et de restrictions imposées à d’autres personnalités interdites de quitter le territoire.
Le mot d’ordre qui ressort du communiqué officiel, publié le 4 septembre suite à des réunions regroupant les responsables politiques du pays, est sans équivoque : « combattre (…) tous ceux qui mènent une campagne électorale déguisée en créant des crises derrière lesquelles se trouvent des lobbys connus qui pensent être au-dessus de la loi » et « Assainir l’Etat de tous ceux qui s’y sont infiltrés indûment et ceux qui ne travaillent pas selon les normes du service public et de l’impartialité ».
Ce n’est certainement pas par pur hasard que le 5 septembre, l’ancien chef du gouvernement Hamadi Jebali est arrêté puis relâché après avoir été interrogé sur les recrutements qu’il a effectués durant son mandat entre 2011 et 2013.
Deux plus hauts dirigeants du parti islamiste Ennahdha, sont arrêtés le même jour, à savoir le président par intérim du mouvement et le président de son Conseil de la Choura.
Dans la foulée, un ancien membre de l’Instance Supérieure Indépendante des Elections (ISIE) est convoqué devant la brigade criminelle pour être cité à comparaître devant le tribunal de première instance de Tunis. Dans les nuits de mardi 5 et de mercredi 6 septembre, il a été procédé, en outre, à l’arrestation de l’un des plus grands investisseurs du pays et du DGA d’une entreprise publique pétrolière.
Enfin, le 2 septembre le journaliste Khalifa Guesmi a été arrêté pour purger une peine de cinq ans de prison pour avoir refusé de dévoiler la source d’une information (avérée) qu’il a diffusée sur les ondes de la radio privée « Mosaïque FM ».
Pour les observateurs de la scène politique, à travers cette vague, le gouvernement entend asseoir son pouvoir par tous les moyens.
D’ailleurs, la question de la répression politique dans le pays est devenue un sujet de préoccupation au sein des instances internationales.
Entre-temps, l’économie, avec une crise des finances publiques qui s’éternise, est au bout du gouffre et les grandes réformes sont souvent ajournées aux calendes grecques.
Résultat : le malaise social ne fait que s’amplifier à la faveur d’une inflation galopante (9,3% en aout dernier), d’une érosion du pouvoir d’achat et de pénuries qui s’installent dans la durée touchant aussi bien les produits essentiels que non essentiels.
Cette situation a poussé l’économiste Hachmi Alaya à dire que le pays se trouve actuellement à la croisée des chemins, à savoir suivre la voie des réformes pour éviter la route de la faillite.
Outre une croissance faible qui ne doit pas dépasser les 1,3% en 2023, la situation macroéconomique risque de se dégrader davantage et le pays risque de se trouver à tout moment dans une situation de défaut de paiement.
Pour les principaux partenaires de la Tunisie, l’absence d’accord avec le FMI plongerait le pays dans le chaos et serait un facteur déstabilisant pour toute la région.
C’est pour cette raison que le président Kais Saïed hésite à donner une suite positive aux réformes exigées par le FMI qui pourraient être le catalyseur d’une implosion sociale.
A cet effet, l’influente centrale syndicale, l’Union générale tunisienne du travail, vient de sortir d’une longue période de somnolence.
Son secrétaire général, Noureddine Taboubi, a réitéré le 6 septembre dernier que l’organisation ouvrière n’abandonnera pas son rôle national et politique, soulignant qu’il y a des partis qui veulent couper l’herbe sous le pied du syndicat.