Solidarité africaine face aux répercussions de la pandémie du coronavirus : le modèle de l’initiative royale pour l’Afrique

La plupart des pays occidentaux, forts de la prospérité de leur économie et de leur puissance militaire, vivent aujourd’hui au rythme des débats sur la problématique sortie du confinement, soit un retour progressif à la vie normale d’avant la pandémie.

La difficulté de ce déconfinement réside dans l’équilibre entre la sécurité sanitaire et le redémarrage économique. Pour cela, la majorité des pays en question ont créé des commissions techniques et scientifiques auxquelles ils confient la décision de dessiner les contours de cette « deuxième étape », qui est également politique avec ses répercussions économiques et sociales.

Malgré la prospérité économique et l’infrastructure solide de ces pays, particulièrement en Europe, la guerre contre le coronavirus menace leurs économies et hypothèque leur avenir. Les pays les plus endommagés d’entre eux par cette pandémie ont demandé le recours aux mécanismes européens de stabilité, connu sous le nom du « fonds de sauvetage européen », afin garantir un seuil de liquidité financière et éviter l’effondrement de l’économie et des marchés financiers sur un fond d’éclatement politique qui menace l’avenir de l’Union européenne.

Si cette situation est bien celle des pays industriels forts de leur économie, de leurs infrastructures et de leurs laboratoires médicaux développés, qu’en est-il donc des pays africains inondés de problèmes de tous genres ? Particulièrement au niveau sanitaire menacé par le coronavirus malgré l’existence du Centre africain de prévention et de lutte contre les maladies.

Le continent africain face au tsunami du coronavirus

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a alerté sur le danger de transmission massive du coronavirus dans les pays africains depuis les premiers jours de l’apparition du virus. Leurs systèmes de santé étant vulnérables auxquels s’ajoutent des problèmes multiples comme la désertification, la sécheresse, les migrations massives et les conflits armés. l’OMS a également déclaré que les pays entretenant des relations étroites avec la Chine seront les plus touchés par les répercussions du coronavirus, ce qui poussé l’actuel président de l’Union africaine, Cyril Ramaphosa, à nommer quatre envoyés spéciaux au cours de la deuxième semaine du mois d’avril (l’ancien ministre de l’économie du Nigéria, l’ancien président de la Banque africaine de développement (BAD) qui est de nationalité rwandaise et l’ancien ministre du commerce de l’Afrique du Sud) pour leur confier la mission de demander le soutien économique à la communauté internationale. C’est une initiative qui se tient dans le cadre de la concrétisation des recommandations du sommet du G20, tenu le 26 mars dernier, de l’UE et d’autres institutions financières pour « un soutien efficace et rapide » du continent africain en temps de pandémie.

Considérant les dégâts de la pandémie en Chine, en Europe et en Amérique, dont l’économie et les coalitions stratégiques, pourtant solides, sont aujourd’hui menacées, l’inquiétude s’est emparée des dirigeants africains et des partenaires internationaux qui se penchent sur l’élaboration d’une stratégie à même de faire éviter au continent la catastrophe de la propagation du virus et l’effondrement des systèmes de santé et de l’économie de ses pays vulnérables.

Pour ce faire, la Banque mondiale et le Fond monétaire internationale ont œuvré, en collaboration avec le BAD, à trouver une stratégie pour garantir l’octroi de crédits d’urgence par des institutions financières mondiales dans l’objectif de gérer la crise du Covid-19 d’une part, et de préserver l’économie des pays africains de l’effondrement d’autre part, notamment celle de pays comme le Nigéria, l’Angola, la Zambie et l’Afrique du sud qui réalisent un certain équilibre…

Tous les rapports et prévisions économiques ont dégagé un scepticisme quant à l’avenir de l’Afrique après cette pandémie. Quelques institutions financières ont fixé le taux de déclin à 7% pour les pays africains producteurs de pétrole et à 8% pour les pays africains producteurs de minéraux, avec l’impossibilité de s’acquitter de la dette extérieure envers l’Afrique. Cela justifie la nomination des quatre envoyés spéciaux par l’Union africaine, ainsi que les actions du Premier ministre éthiopien qui a remporté le prix Nobel de la paix, « Abiy Ahmed Ali », qui se joint au pape du Vatican pour faire face aux problèmes d’endettement et des sanctions économiques en Afrique et appeler à la création d’un fonds mondial afin prévenir l’effondrement des systèmes de santé en Afrique.

En ce sens, voici quelques remarques simples qui peuvent contenir quelques messages subliminaux. Le président de l’OMS est Éthiopien, le président du Centre africain de prévention et de lutte contre les maladies est aussi Éthiopien et le siège du centre africain est à Addis-Abeba, en plus des institutions de l’Organisation de l’union africaine qui a fait du Prix Nobel de la Paix Abiy Ahmed Ali le parrain de la campagne pour les aides internationales, et il est également le premier ministre éthiopien. Il est difficile d’admettre que ça puisse être une coïncidence, ce qui nous pousse alors à nous demander pourquoi l’Ethiopie monopolise tout ce qui a trait à la santé africaine ? Est-ce que les organes africains ont pu évaluer le travail du Centre africain de prévention et de lutte contre les maladies qui a été créé en 2015 quand le virus d’Ebola sévissait en Afrique ? A-t-on pu évaluer s’il a atteint ses objectifs de sensibilisation, de coordination, de préventions etc ?

Revenons à l’endettement extérieur, qui a constitué avec la sécurité sanitaire l’une des plus grandes inquiétudes des pays africains dans le cadre du plan de sauvetage des économies africaines, notamment dans les pays qui ont élaboré des programmes de réformes économiques d’envergure comme la Zambie, dans ceux qui ont à peine rééchelonné leurs dettes comme l’Angola ou ceux qui viennent de dépasser des conflits violents qui durent depuis des années ou qui ont souffert de la sécheresse et de l’invasion des criquets…

Il suffit de lire le rapport de la Commission économique pour l’Afrique du 16 avril courant pour mieux saisir la gravité de la situation dans tous les pays africains. On peut y lire que plus de 300.000 Africains peuvent perdre la vie à cause du Coronavirus, tandis que la pandémie continue à étendre son impact sur les économies trébuchantes du continent qui se voient ralentir leur croissance de 3,2 à 1,8% au meilleur des cas, ce qui renvoie 27 millions de personnes sous le seuil de la pauvreté.

La Secrétaire exécutive de la Commission économique pour l’Afrique, la Camerounaise Vera Songwe, ajoute que « pour bâtir la prospérité collective de l’Afrique et préserver sa croissance, nous avons besoin de 100 milliards dollars pour offrir un espace financier urgent et immédiat pour tous les pays afin de contribuer à répondre aux besoins du filet de sécurité immédiat des populations».

C’est donc une lecture de la réalité de plusieurs pays africains, à titre d’exemple, le Nigéria avec une population estimée à 200 millions d’habitants, un pays riche de ses réserves de pétrole, a présenté une demande de crédit auprès du FMI d’une valeur de 3,4 milliards de dollars, dont 82 millions seront consacrés aux institutions sanitaires, pendant que 87 millions d’habitants vivent sous le seuil de la pauvreté. Quant à l’Afrique du Sud, l’un des pays les plus modernes d’Afrique, on y compte 3 millions d’ouvriers dans le secteur informel et des millions de chômeurs dans les secteurs formels, avec un repli de la monnaie locale qui a été réduite au quart de sa valeur depuis le début de l’année courante.

En plus de l’impossibilité de s’acquitter des dettes extérieures à cause des répercussions de la pandémie, il y a aussi la possibilité que les investissements étrangers fuient les pays africains qui perdront ainsi l’une des principales sources de devises. On s’attend aussi à ce que les économies des pays africains se détériorent du fait du prolongement de la durée du confinement sanitaire, comme il a été noté que le rythme et les moyens de l’aide fournie par les pays puissants et les institutions financières internationales pour le continent africain ont été ralentis. L’Union européenne a, par exemple, contribué à hauteur de près de 3,25 milliards d’euros sous forme de programmes qui ont été lancés et demeurent inachevés ou en cours de réalisation, tandis que la France a contribué, par le biais de l’Agence française de développement, à hauteur de près de 1,2 milliards d’euros au profit de 19 pays africains. Quant à la Chine, comme lors des précédentes vagues de la pandémie d’Ebola en 2013 et 2016, sa contribution s’est formulée sous forme de dispositifs médicaux et logistiques, ou à travers l’envoi d’équipes médicales pour faire face au coronavirus. Les canaux diplomatiques ou la « route de la soie » se voient renforcés, notamment dans les pays avec lesquels elle a tissé des relations historiques comme l’Algérie, l’Afrique du Sud, le Sierra Leone, la Guinée, le Libéria, le Cameroun, le Congo et l’Angola. Les dettes dues à la Chine atteignent 133 milliards de dollars dans le continent africain, le milliardaire chinois Jack Ma, propriétaire de la plateforme Alibaba, organise alors des vols aériens depuis six jours pour fournir de l’aide aux pays africains.

L’engagement humain du Maroc dans sa profondeur africaine

Pour sa part, le Maroc a déclaré la guerre à la pandémie du coronavirus. Plusieurs plateformes médiatiques et organisations mondiales ont salué la dynamique et la manière de laquelle le Maroc a géré cette crise sanitaire, sa prise en charge rapide de la situation qui a réussi à circonscrire la transmission exponentielle du virus et atténué ses répercussions sur les citoyens. Une crise qui a aussi valu de leçon de solidarité sociale, de symbiose entre le Roi et le peuple, d’engagement pour préserver le pays, le pouvoir d’achat et l’économie…

Dès l’apparition des premiers cas de contamination, Sa Majesté le Roi a ordonné la création d’un Fonds spécial dédié à la gestion de la pandémie du coronavirus, un appel auquel ont répondu les différentes composantes de la société marocaines à travers des dons qui ont atteint en un temps record le montant qui lui est alloué. Le fonds a également pu compter sur le soutien des partenaires internationaux du Maroc,  l’UE a, par exemple, contribué à hauteur de 450 millions d’euros, dont 150 millions en tant qu’aide immédiate et 300 millions consacrés à soutenir le Royaume à faire face aux défis financiers liés à la pandémie, tandis que les Etats-Unis ont contribué avec 670.000 dollars.

Afin de garantir la cohésion de l’économie nationale face au coronavirus, le Maroc a eu recours, en guise de précaution, à la « ligne de précaution et de liquidité », en retirant 3 milliards de dollars, dans le cadre d’un accord conclu en 2012, qui peuvent être utilisés comme garantie contre les chocs exogènes, comme celui de cette pandémie.

Cette guerre n’a pas fait oublier au Maroc sa profondeur africaine, ni fait oublier au Roi du Maroc son rôle en tant que grand leader africain, c’est ce qui a transpercé de l’intérêt porté aux communautés du Sahel et de l’Afrique subsaharienne résidant au Maroc en les rassurant en ces temps difficiles avec des distributions d’aides alimentaires, un intérêt émanant d’un engagement premièrement humain et deuxièmement constitutionnel puisque le préambule de la Constitution de 2011 stipule de « consolider les relations de coopération et de solidarité avec les peuples et les pays d’Afrique, notamment les pays subsahariens et du Sahel » et de «  renforcer la coopération Sud-Sud ».

Nous n’avons donc pas été surpris de l’initiative de SM le Roi adressée aux Chefs d’états africains pour créer un cadre opérationnel dans l’objectif de suivre l’évolution et la gestion de la pandémie en Afrique, une action qui a été saluée par le Président sénégalais et le Parlement africain réuni le 20 avril en Afrique du Sud. Parallèlement à l’initiale royale en Afrique, le Maroc a contribué à atténuer les effets de la crise sur ses confrères africains à travers l’envoi d’aides urgentes en République centrafricaine par exemple, ce qui a été applaudi par plusieurs médias africains et européens.

La souffrance des pays africains du virus d’Ebola et des maladies contagieuses n’est pas à sa fin, pour que s’y rajoute aujourd’hui la pandémie silencieuse et mortelle du coronavirus. Il est donc d’un grand besoin de développer et concrétiser les prérogatives du Centre africain de prévention et de lutte contre les maladies pour qu’elles soient plus efficaces, puis de réfléchir à de nouveaux mécanismes et organisations de santé, s’inspirant de l’idée de « Médecins sans frontières » au niveau africain par exemple, ou créer une Organisation africaine de la santé; troisièmement, créer des plateformes de communication digitale entre les pays africains, les médecins, les laboratoires et les universités africaines, lancer des partenariats et des stages de formation dans les domaines de la médecine, de l’infirmerie et de la recherche scientifique  similaires au programme européen « Erasmus », car à travers ces actions nous feront de la lutte contre le coronavirus plus qu’une bataille pour circonscrire la pandémie, une locomotive sécurisée pour un avenir africain solidaire, unifié et prospère pour tous les peuples et pays africains.

*Abdellah BOUSSOUF;

Historien, Secrétaire général du CCME

 

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