SNI et ONA : MEGA fusion à la Bourse de Casablanca

Les deux principaux holdings de participations marocains, le groupe Omnium Nord Africain (ONA) et la Société Nationale d’Investissement (SNI), pesant respectivement 3,4 et 2,5 milliards d’USD de capitalisation boursière (2,54 et 1,92 milliards d’euros) avant l’annonce de l’opération, viennent d’annoncer leur intention de se retirer de la cote (radiation de la Bourse de Casablanca), pour ensuite fusionner et créer de facto le premier véhicule d’investissement du Maghreb.

SNI et ONA : MEGA fusion à la Bourse de Casablanca
C’est un deal « pack-man », car rappelons qu’en 1999, c’était l’ONA qui avait pris le contrôle de la SNI avant la réorganisation capitalistique intervenue en 1983, SNI devenant alors le premier actionnaire d’ONA avec 20,30% du capital, au terme d’un accord conclu avec le holding Siger /Ergis, sa filiale (à 100%) Copropar devenant actionnaire à 60,40% de SNI.

UNE REORGANISATION FINANCIERE COMPLEXE PREALABLE A LA FUSION

Selon l’avis N° 20/10 du Conseil Déontologique des Valeurs Mobilières de la Bourse de Casablanca, la cotation des valeurs SNI, ONA, Centrale Laitière (CLT), Cosumar (CSR), Lesieur Cristal, Attijawariwafa Bank (ETW), Wafa Assurance (WAA), SMI, Managem (MNG), Lafarge Ciments (LAC) et Sonasid (SID) ont été suspendues à compter du 26 mars 2010. Les titres ONA et SNI terminaient en clôture du marché boursier à respectivement 1 832 et 1 325 dirhams (Dh) jeudi 25 mars. Les deux offres publiques de retrait (OPR) proposent des prix respectifs de 1 900 Dh et de 1 650 Dh, faisant ressortir des primes de 3,7% et de 24,5% sur le dernier cours de Bourse. L’offre de retrait est donc très généreuse pour les actionnaires de SNI, nettement moins pour les actionnaires d’ONA. Le schéma financier tel que décrit dans le communiqué de presse conjoint des deux groupes est complexe, surtout pour l’investisseur particulier, qui au final, n’a guère d’autre choix que d’apporter ses titres à l’offre. Car au terme d’un montage financier à étapes, interviendra une fusion des deux holdings ONA et SNI, décidée par les actionnaires majoritaires.

Entretemps, deux offres publiques de retrait (OPR) vont être lancées sur les titres ONA et SNI détenus par le public, puis une procédure de radiation des deux titres suivra. A l’issue de ces opérations, une fusion des deux conglomérats SNI/ONA sera proposée aux actionnaires institutionnels dans le cadre de leurs assemblées générales extraordinaires respectives.

TOURNANT STRATEGIQUE OU LOGIQUE FINANCIERE ?

Sur le papier, l’opération a belle allure. M. Mouatissim Belghazi, P-dg de l’ONA, qualifie la fusion à venir de « tournant stratégique », visant à transformer radicalement la physionomie du groupe ONA, ce dernier abandonnant sa focalisation de « multi-métiers » pour devenir un véritable véhicule d’investissement, à l’image du chemin emprunté par le holding SNI.

Concrètement, de nombreuses activités, qualifiées de « matures » devraient être cédées, le nouveau véhicule d’investissement SNI/ONA se recentrant sur les secteurs porteurs et générateurs de création de valeur. Ces activités « stratégiques » devraient se concentrer autour de 5 à 6 grands secteurs d’activité :
– Mines (Semafo, Managem), sidérurgie (Sonasid) et matériaux de construction (Lafarge Maroc)
– Energie (Nareva, EETahaddart, …)
– Agroalimentaire (Centrale Laitière/Bimo/Sotherma, Lesieur, Cosumar) et distribution (Marjane, Acima, Optorg, Sopriania, …)
– Finance (Attijariwafa Bank, Wafa Assurances…)
– Nouvelles Technologies de I’Information et de la Communication (Wana, …)
– Les opportunités, avec notamment les Biotechs (SMI), l’hôtellerie (Somed), etc.

Comment expliquer une réorganisation d’une telle ampleur, surtout pour l’ONA dont la création remonte à 1934 ? Officiellement, M. Mouatassim Belghazi, P-dg de l’ONA affirme vouloir recentrer son groupe sur le pilotage stratégique, la gestion des participations, l’émergence de nouveaux métiers et non plus le pilotage opérationnel d’activités matures dans lesquelles le holding s’était égaré… L’ONA/SNI deviendrait donc un actionnaire « professionnel » obéissant à un strict schéma d’investissement et à une logique de gouvernance obéissant à un accompagnement qualitatif en termes de pilotage stratégique.

SPECIALISATION ACCRUE ET ECONOMIE DE COÛTS

De facto, le nouvel ensemble sera dirigé par M. Hassan Benhamou, P-dg de SNI et acteur incontournable de la fusion. Fort de ses résultats financiers, SNI a réalisé au titre de l’exercice 2009 un résultat net consolidé de 2,382 milliards de Dh, en hausse de 365% sur le résultat de l’exercice 2008, à comparer à un résultat net part du groupe de 2,917 milliards de Dh (+161%) pour l’ONA. Ces résultats sont toutefois à nuancer pour les deux groupes, leur résultat net ayant été gonflé par des plus-values conséquentes, imputables notamment à l’augmentation de capital de Wana Corporate…

La fusion semble induire une modification profonde du mode de gouvernance. Désormais, le management des filiales redeviendra autonome, tant dans leurs décisions de gestion que d’investissement. La nouvelle entité SNI/ONA devrait donc agir comme « un actionnaire professionnel », privilégiant la création de valeur à l’immixtion dans la gestion quotidienne. Le nouveau holding devrait aussi faire la part belle aux projets d’incubation et de développement des entreprises innovantes.
Les participations dans l’agroalimentaire (Centrale Laitière/Bimo/Sotherma, Lesieur, Cosumar), valorisées pour environ 2,5 md d’USD (1,92 md d’euros) auraient vocation à être cédées.

ATTRACTIVITE RENFORCEE POUR LE MARCHE BOURSIER MAROCAIN

La simplification des structures actionnariales représente un atout pour le marché financier marocain. Le dénouement des participations croisées des deux groupes clarifiera la lisibilité de l’activité de l’unique véhicule coté désormais. Rappelons aussi que traditionnellement, les investisseurs institutionnels, notamment étrangers, délaissent les holdings pour préférer les sociétés centrées sur un « core business » (notion de pur player). De plus, la faiblesse du flottant, tant pour SNI (14,80%) que pour ONA (24,33%) constituait sans nul doute un frein puissant à l’attractivité des titres auprès des investisseurs étrangers. L’élargissement sensible du flottant du nouvel ensemble après la finalisation de la fusion devrait redonner de l’appétence aux fonds et véhicules de placement friands de sociétés émergentes à croissance forte. L’ouverture de la place boursière marocaine s’en trouvera favorisée.

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