Le non-Maghreb se paie au prix fort
Devant le défi que constitue pour le Maghreb et l’Europe la création d’une zone de « paix, sécurité et prospérité », l’intégration régionale maghrébine constitue, sinon un préalable, du moins une condition nécessaire de leur sécurité durable commune. Car le non-Maghreb se paie au prix fort.
La question non-résolue des frontières n’est évidemment pas étrangère à cet état de fait. La frontière entre l’Algérie et le Maroc n’a été ouverte que sept ans sur les cinquante dernières années. Comment développer, dès lors sans connexion de transport, une coopération qui stimulerait les échanges ?, selon le rapport Thomas Moore.
En termes d’Investissements Directs Etrangers (IDE), le maque à gagner est estimé à 3 milliards de dollars par an pour l’ensemble de la région alors que les investisseurs devraient être attirés par une zone de presque 100 millions de consommateurs.
Il s’agit de comprendre les raisons du blocage pour tâcher d’en modifier les ressorts, relève-t-il, avant de rappeler que l’Union européenne, par exemple, n’a pas attendu de régler le conflit de Gibraltar entre le Royaume-Uni et l’Espagne pour lancer sa coopération interrégionale.
Le rapport note ainsi que pour tout le Maghreb, le dossier du Sahara rend impossible l’intégration maghrébine, limite les investissements étrangers et entretient une atmosphère de suspicion et de défiance entre les acteurs.
En outre, l’enlisement constitue un risque préoccupant de balkanisation de la région : les trafics de cigarettes, drogues, armes ou essence se développent fortement dans cette zone, selon le rapport pour qui la proposition marocaine d’un Plan d’autonomie pour la région du Sahara, présentée au Secrétaire général de l’ONU en 2007, est à ce titre une alternative crédible.
« Il apparaît que cette proposition doive être considérée comme une base tangible de négociation, qui s’inscrit en outre dans la démarche plus générale de régionalisation et de démocratisation du pays », relève l’institut Thomas Moore qui souligne que l’union européenne doit soutenir la proposition marocaine d’autonomie.
"La voie des négociations directes entre les protagonistes, y compris en y associant l’Algérie, doit être privilégiée et soutenue par l’UE", ajoute-t-on de même source.
L’institut note que l’attachement de l’Algérie aux principes d’autodétermination "s’accompagne d’un intérêt géoéconomique majeur que constituerait une voie d’accès sur l’Atlantique pour l’exportation du gaz et du fer du Sahara algérien, et la nécessité de demeurer cohérent avec un discours qui n’a pas évolué depuis 30 ans", alors que pour le Maroc, "le maintien des provinces du Sud renvoie au principe fondamental d’intégrité territoriale ; le Royaume ne peut donc consentir à une amputation conséquente de son territoire".
Quant au Front Polisario, le rapport voit dans le raidissement de sa position la peur de "voir disparaître sa raison d’être", mais au prix du maintien des réfugiés depuis 30 ans "dans l’exil dans les camps pour rien".
Selon l’étude, "le déclin du Polisario, qui a perdu ses soutiens politiques et idéologiques de la guerre froide, fait également craindre un effondrement de l’organisation fragile des camps : la corruption au sein de la RASD, dirigée exclusivement par le Polisario, le clientélisme appliqué dans l’attribution de l’aide humanitaire internationale, la monopolisation du pouvoir et l’immobilisme politique qui en découle sont de plus en plus mal acceptés par la nouvelle génération".
Parallèlement, le Maroc développe de fait le Sahara depuis 1979, conférant aux populations locales un niveau de vie "évidemment bien meilleur que dans les camps", souligne l’institut européen qui s’interroge sérieusement sur les conséquences de ce conflit sur la stabilité de la région. "Personne ne peut dire aujourd’hui si l’indépendance » du Sahara constituerait une « option viable, si ce territoire ne risquerait pas de se transformer en zone grise propice à tous les trafics, à la prolifération du terrorisme et in fine à la déstabilisation de la région".
Le rapport rappelle les déclarations du porte-parole du département d’Etat américain en 2008 selon lesquelles "un Etat Sahraoui indépendant ne pouvait être considéré comme une option réaliste", ainsi que celles de l’ancien représentant spécial du secrétaire général de l’ONU pour le Sahara, Peter van Walsum, qui considère, quant à lui, qu’"il ne s’agit pas d’un objectif accessible".
Le rapport affirme qu’il est "en tout cas certain que la sécurité de la zone ne peut admettre un +failed state+, surtout si ce dernier sert de nouvel alibi pour renforcer les crispations et le maintien sous tutelle des sociétés maghrébines".
*Etabli à Bruxelles et paris, réunissant des personnalités de nombreux pays européens, l’Institut Thomas More est un think tank d’opinion et indépendant. Il diffuse auprès des décideurs politiques et économiques et des médias internationaux des notes, des rapports, des recommandations et des études réalisés par les meilleurs spécialistes.