Nespresso, la fin du monopole?
La success-story Nespresso risque de se compliquer pour la filiale de Nestlé, confronté à l’émergence de deux concurrents en France dès le printemps sur le juteux marché des dosettes de café. Une jeune pousse aux arguments convaincants, Ethical Coffee, et un géant américain, Sara Lee, vont s’attaquer à l’un des monopoles les plus lucratifs du secteur alimentaire de ces dernières années…
L’un des secrets de Nespresso est d’avoir noyauté totalement son offre. Les machines sont vendues par des partenaires sélectionnés et les fameuses capsules colorées le sont exclusivement par la société suisse, par correspondance ou via un réseau de magasins répartis dans des agglomérations-clefs (190 dans le monde). Bien huilé, le système a fait ses preuves et les concurrents proposant des alternatives n’ont jamais réussi à se frotter réellement à la clientèle haut-de-gamme captée par Nespresso. Mais toutes les bonnes choses ont une fin. A l’image d’un laboratoire pharmaceutique dont le produit phare commencerait à subir la concurrence des médicaments génériques, les brevets protégeant les petites capsules ne sont pas immuables. Et l’offensive est prévue pour le printemps.
Mi-mai, des capsules chez Casino
Il y a quelques semaines, la société Ethical Coffee avait placé la première banderille, avec l’appui du distributeur Casino. Mi-mai, les deux partenaires lanceront leurs propres capsules, avec comme arguments un prix de vente inférieur de 20% environ à ce que propose Nespresso, et une approche développement durable marquée. Ces capsules alternatives seraient en effet biodégradables en 6 mois, car composées de fibres végétales, alors que les originales, en aluminium, ont une empreinte évidemment moins écologique, même si Nespresso a tardivement mis en place un programme de collecte pour les recycler. Ethical Coffee, qui prévoit par la suite de s’attaquer aux marchés allemands, autrichiens et suisses notamment, assure que ses capsules ne contreviendront pas aux centaines de brevets qui protègent le système de la filiale de Nestlé. Et l’entreprise sait de quoi elle parle, puisque son fondateur n’est autre que Jean-Paul Gaillard, celui-là même qui avait relancé le concept auprès des particuliers à la fin des années 1980 pour le compte de Nestlé, et qui dirigea Nespresso durant une dizaine d’années !
Interrogé récemment dans la presse suisse, Jean-Paul Gaillard a indiqué avoir "vu une faille dans les nouveaux brevets Nespresso", assurant que les siens sont "totalement hors du champ des leurs". L’offensive démarrera donc en France en mai prochain. Les capsules seront fabriquées par un torréfacteur savoyard, les Cafés Folliet, basé à Chambéry. La capacité de production, actuellement évaluée à 350 millions de capsules annuelles, devrait atteindre 800 millions à 1,2 milliard d’unités en fin d’année, selon Jean-Paul Gaillard, dans un entretien à Bloomberg. Le dirigeant espère afficher à terme une capacité de 2 milliards de capsules par an. Actuellement, Nespresso disposerait, avec ses deux sites suisses d’Avenches et Orbe, d’une capacité annuelle de production de 9 milliards de capsules, selon un analyste de la firme Nomura. Ethical Coffee a indiqué avoir bouclé son carnet de commandes actuel à 4 milliards d’unités, dans 5 variétés différentes, en attendant de disposer de plus de visibilité. Nespresso propose 13 variétés classiques (9 courtes et 4 longues) pour 3,30 Euros à 3,50 Euros les 10 capsules, ainsi que des crus en édition limitées à 3,70 Euros la dizaine.
2,99 euros les dix capsules
Mais l’offensive d’Ethical Coffee a réveillé d’autres concurrents. L’américain Sara Lee a annoncé mardi soir le lancement dès le 7 avril prochain de capsules compatibles Nespresso de son café "L’Or", bien connu dans l’Hexagone. Quatre variétés d’Arabica issues de la culture responsable seront disponibles, à un prix annoncé à 2,99 Euros les 10 capsules. Les capsules devraient être disponibles dans huit jours chez Carrefour, Leclerc et Auchan, a indiqué Sara Lee, qui a donc également choisi la France comme champ de bataille initial contre la filiale de Nestlé, qui réaliserait dans l’hexagone entre 20 et 25% de ses ventes totales, selon les sources.
Nespresso s’est contenté pour l’heure d’une riposte formelle. "Nous allons défendre vigoureusement note propriété intellectuelle et nous sommes confiants dans notre capacité à conserver la confiance que nous accordent nos fidèles clients depuis de nombreuses années", a expliqué la firme vaudoise, qui se déclare quoi qu’il en soit prête à ferrailler avec les nouveaux arrivants sachant l’arrivée de la concurrence inéluctable. Car même si des recours juridiques sont probables, la fin du monopole Nespresso n’a jamais été aussi proche