Maroc: Toufiq met en exergue les réformes accomplies par le Maroc pour réhabiliter l’enseignement originel
« Le Royaume a veillé au cours des vingt dernières années à réhabiliter l’enseignement originel sur de nombreux aspects, notamment en termes d’encadrement juridique, d’augmentation du nombre des institutions qui s’élève aujourd’hui à près de 14.000 écoles coraniques et 222 établissements scolaires entre le primaire, le collégial, le secondaire et le supérieur, et d’intégration de mécanismes modernes de gestion et de soutien matériel aux institutions pédagogiques », a affirmé M. Toufiq lors de ce conclave, initié par Dar El Hadith El Hassania en partenariat avec l’Institut des études épistémologiques-Europe (IESE).
Cette œuvre de réhabilitation a aussi concerné la généralisation des bourses scolaires aux étudiants, l’appui de l’encadrement et de la formation continue au profit des cadres pédagogiques et l’édification d’institutions modèles relevant du ministère de tutelle, a précisé M. Toufiq, lors de cette rencontre qui s’est déroulée en présence notamment du khalife général de la Tariqa Tijaniya au Nigeria, l’émir Sanusi Lamido Sanusi, du directeur de Dar El Hadith El Hassania, Ahmed Khamlichi, et du directeur de l’IESE, Beddy El Morabiti.
La réhabilitation, a-t-il poursuivi, a également porté sur la consolidation des bases du système pédagogique, l’élaboration de documents d’orientation pour la réforme éducative, l’établissement d’un système de contrôle pédagogique, d’évaluation et des examens, l’amélioration de la qualité des apprentissages et d’ouverture sur l’environnement immédiat, l’encouragement de l’excellence et de la recherche, l’intégration de l’éducation aux valeurs dans le système de l’enseignement originel, et l’homologation nationale des diplômes de ce type d’enseignement.
Il a noté que cette réforme a débouché sur la restructuration du système d’enseignement qui concerne aujourd’hui près de 80% des institutions (près de 300 établissements avec environ 40.000 étudiants), qui ont en partage l’unité des programmes, l’introduction de matières scientifiques outre que les sciences légales, et l’unité des cycles et des évaluations.
Parmi les avantages qu’offre ce système, le ministre a cité l’apprentissage du Coran, la maîtrise des sciences légales, l’étude des matières permettant de subir les examens de passage et l’obtention de l’équivalence des diplômes, avec ce que cela implique en termes d’opportunités d’emploi.
« Ces avantages permettent, au fil du temps, à l’étudiant de ces écoles d’être mieux intégré, sachant que cet enseignement, dans son nouveau système, a favorisé l’intégration, depuis 2012, de 73.000 personnes ayant appris par coeur le Coran, et que le nombre des étudiants entièrement consacrés à l’apprentissage du Livre Saint avoisine les 11.000 », a-t-il relevé.
Le ministre a, par ailleurs, estimé que les perspectives d’action en matière de réhabilitation de l’enseignement originel consistent à modifier les textes juridiques pour être en phase avec l’expérience actuelle qui s’étale sur plus de 15 ans, à se doter d’un socle permettant de surmonter les difficultés et à rectifier les carences, élaborer un cadre juridique permettant au personnel de ce secteur de bénéficier de la couverture sanitaire, augmenter le volume des rémunérations, élargir les bourses, et à couvrir les dépenses de fonctionnement.
Selon lui, le projet majeur aujourd’hui consiste à réhabiliter les écoles coraniques pour les hisser à un niveau où elles devraient constituer une partie presque naturelle du système éducatif à l’échelle nationale.
Il a soutenu que le grand défi consiste à trouver une formule favorisant l’apprentissage du Coran, qui reste la caractéristique essentielle de cet enseignement, sans avoir à consacrer dix ans de la vie d’un enfant juste à l’apprentissage, assurant que c’est la créativité collective à ce sujet qui permettra, d’une part, de préserver cet enseignement et de gagner l’adhésion de toutes les parties loin de toute surenchère, d’autre part.
De son côté, M. El Morabiti a fait observer que l’expérience des écoles religieuses traditionnelles au Maghreb en général, et au Maroc en particulier, jouit d’un intérêt remarquable de la part des chercheurs dans ce domaine, du fait qu’elle n’a pas connu de ruptures prononcées entre les sciences usuelles (psalmodie, grammaire, rhétorique, etc.) et les autres disciplines des sciences religieuses (jurisprudence, exégèse, hadiths, etc.)
Ces sciences usuelles, qui ont fait le lit de l’espace des humanités dans lesquels se meuvent les sciences religieuses, ont également servi de passerelle avec les évolutions cognitives et épistémologiques contemporaines, a-t-il noté.
Soutenant que les institutions scolaires maghrébines ont connu, à des degrés variables, une interactivité accrue entre les sciences religieuses et les sciences humaines et sociales, il a fait remarquer que les pays du Maghreb sont devenus désormais une destination prisée des chercheurs en quête de formation en sciences religieuses, provenant de l’Asie et d’Afrique, aux dépens de la destination traditionnelle de l’Egypte et du Moyen-Orient, ce qui constitue un changement de paradigmes qui mérite une réflexion minutieuse.
Dans leur interaction avec une réalité en mutation, les sciences religieuses et usuelles dans le monde islamique ont forgé au fil des générations de nouveaux concepts d’interprétation et d’exégèse, a-t-il indiqué, notant que nombre de procédés épistémologiques et méthodologiques requièrent une révision sérieuse, en vue d’opérer la jonction nécessaire entre les méthodes élaborées au fil des siècles avec les méthodes modernes.
M. El Morabiti a émis l’espoir de voir les travaux de ce congrès contribuer à réaliser cet objectif, mettant l’accent sur l’importance d’allier évaluation de l’expérience de l’enseignement religieux dans les pays maghrébins et de leur enracinement historique et ouverture critique sur les mutations épistémologiques modernes.
Pour sa part, M. Khamlichi a souligné que l’enseignement originel revêt une importance majeure du fait que la maîtrise des lectures coraniques requiert une longue période d’apprentissage, notant que l’apprentissage du Saint Coran, de sa prononciation et de ses intonations, loin d’être une sinécure, exige des efforts pénibles.
Il a évoqué, à cet effet, les difficultés auxquelles sont confrontés les étudiants de l’enseignement originel dans la recherche d’emploi en phase avec leur formation et leurs compétences, après toute la durée qu’ils ont consacrée à l’apprentissage du Coran et la maîtrise de ses écritures.
Il a aussi appelé à réfléchir aux moyens d’accompagner cette catégorie d’étudiants et de faciliter leur insertion dans la vie professionnelle, et invité les oulémas et foukahas à redoubler d’efforts pour rendre l’enseignement originel utile aux plans religieux et pratique.
Ce congrès tend à jeter la lumière sur les écoles traditionnelles dans la région du Maghreb, à établir leur état des lieux, à mettre en évidence leurs points de convergence et de différence, ainsi que leur interaction avec les contraintes de la mondialisation qui s’impose en tant que force dévastatrice et de pression.
Il vise également l’étude des perspectives de renouvellement et d’ouverture sur les curricula et savoirs de l’ère contemporaine, et la présentation de nouvelles visions qui abordent la question des écoles religieuses traditionnelles.
Deux jours durant, les participants vont ainsi aborder trois axes majeurs, à savoir « L’origine et l’histoire de l’enseignement traditionnel au Maghreb », « Les affluents de l’enseignement religieux » et « l’avenir de l’enseignement religieux traditionnel ».