Maroc-Royaume Uni, ou comment envisager un Brexit porteur d’opportunités
Maintenant que le Brexit est devenu effectif, une nouvelle ère s’ouvre dans les relations maroco-britanniques où le Maroc semble déterminé à saisir les opportunités qui se présenteraient par le biais d’un partenariat win-win.
Le Bexit est un « événement majeur » qui restera gravé dans l’histoire et ne passera pas sans avoir des conséquences sur l’économie britannique en premier et sur le reste du monde et en l’occurrence le Maroc, souligne l’universitaire Radouane Raouf.
« Il est fort probable qu’on assistera davantage à un afflux d’IDE et de délocalisations des entreprises britanniques vers le continent africain », avance-t-il, ajoutant que le Maroc pourrait bénéficier de ces investissements, « s’il est bien préparé ».
M. Raouf, a noté dans ce sens que lors du dernier sommet UK-Afrique sur l’investissement à Londres, près de 8 milliards de dollars d’investissements ont été annoncés. « Le message était que la Grande-Bretagne est prête à faire des affaires avec l’Afrique », a-t-il fait remarquer, rappelant que l’Angleterre occupe la 5ème place en matière d’encours d’IDE au Maroc avec 21 milliards de dirhams, juste derrière les Etats-Unis avec près de 29 milliards de dirhams (données de l’Office des changes 2017).
Pour ce qui concerne les transferts des MRE, M. Raouf estime que l’impact (négatif ou positif) du Brexit sera, marginal du fait qu’une partie minime des MRE qui résident en Angleterre (en termes de transferts des MRE, l’Angleterre se place en 10ème position juste derrière le Pays-Bas selon les données de l’office des changes).
Mais si on accepte le fait que le Brexit, comme la guerre commerciale EU-Chine, a été et sera à l’origine de révision à la baisse de la croissance mondiale [FMI (2018,2019), OCDE (2018, 2019)], on pourrait plutôt s’attendre à une baisse de ces transferts dans le court terme, a-t-il relevé.
Et les entreprises marocaines, sont-elles prêtes à ce choc ?
A cette question, M. Raouf, professeur chercheur en sciences économiques à la FFSJES-Souissi de Rabat, a souligné que durant la dernière décennie, le Maroc a fait énormément de progrès pour améliorer son climat des affaires (53ème rang dans le Doing Business 2020), ajoutant que l’environnement global (économique, social et géopolitique) est plus ou moins favorable pour attirer davantage d’investissements.
Ces efforts, a-t-il poursuivi, se sont matérialisés par l’implantation de grands opérateurs internationaux dans des domaines stratégiques, notamment dans les secteurs de l’automobile, l’aéronautique et l’électronique. Les firmes multinationales font leurs choix de localisation en fonction d’un certain nombre de déterminants dont la capacité des entreprises locales, en tant que fournisseurs ou sous-traitants, à répondre à leurs demandes à temps et avec des exigences en termes de normes.
Dans ce cadre, les entreprises marocaines disposent d’avantages compétitifs qui permettent d’accompagner les opérateurs britanniques, a-t-il affirmé, citant dans ce sens l’automobile comme exemple.
« Les entreprises marocaines ont démontré leur capacité à participer activement dans la l’instauration d’un écosystème et le taux d’intégration s’améliore année après année », a-t-il ajouté.
L’universitaire a toutefois pointé du doigt la persistance d’un certain nombre de lacunes parfois d’ordre structurel qui nuisent encore à la performance et à la compétitivité des entreprises marocaines, notamment les problèmes liés à l’accès au financement, aux délais de paiement, la concurrence, la corruption, l’accès aux marchés et la qualité de l’éducation.
Sinon, de par la position stratégique du Maroc, sa proximité avec le continent européen et son enracinement en Afrique, les opérateurs locaux peuvent jouer le rôle de locomotive en développant des partenariats de sous-traitance, de joint-venture avec les entreprises britanniques pour les attirer et utiliser le Maroc comme une plateforme d’exportation vers le reste de l’Afrique, a-t-il dit.
Revenant sur la structure du commerce entre le Maroc et la Grande-Bretagne, M. Raouf a indiqué que plus de 35% des importations du Maroc porte sur l’automobile, l’aéronautique et les machines, le reste concerne des produits chimiques et des produits pétroliers, tandis que du côté export, le secteur automobile et aéronautique représente 21% et la grande partie concerne l’agroalimentaire, le textile et l’électronique.
Il conclut donc que les entreprises marocaines ont de la marge pour bénéficier d’un partenariat avec les opérateurs anglais pour les insérer dans l’écosystème industriel marocain, notamment dans l’automobile et à l’image des autres constructeurs en place, ajoutant que le potentiel est certainement non exploitable au niveau du secteur de l’agroalimentaire et du textile dont le Maroc dispose d’un avantage comparatif.
Pour ce faire, les entreprises marocaines doivent investir davantage dans le capital humain, dans la formation continue et la montée en gamme sans oublier la diversité.
L’Afrique pourrait jouer un rôle central
Après le Brexit, il est tout à fait normal et dans l’intérêt de la Grande-Bretagne de chercher de nouveaux partenaires et de se concentrer sur son avenir en dehors du bloc européen.
Au-delà de ses ressources naturelles et de la jeunesse de sa population, l’entrée en vigueur de la Zone de libre échange continentale africaine (ZLECAf) fait du continent africain un marché prometteur, a fait savoir M. Raouf, estimant que cette construction va certainement relancer davantage l’intérêt des entreprises étrangères à s’installer dans le continent et par voie de conséquence améliorer sa position dans les chaînes de valeurs mondiales.
De ce fait, a-t-il poursuivi, les entreprises marocaines seront appelées à jouer leur rôle dans ce processus, ajoutant que la relation win-win entre le Maroc et les pays africains peut profiter aux entreprises marocaines en utilisant le positionnement du Maroc en tant que hub industriel et financier.