« Nous déplorons le rejet par le gouvernement de créer un fonds destiné à la lutte contre le cancer», a affirmé dans un entretien à la MAP M. Cherkaoui, enseignant de Droit constitutionnel à la Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales de Mohammedia, relevant que cette requête sera maintenue et « nous lutterons pour la concrétiser sous d’autres formes », néanmoins « nous saluons les mesures prises par l’Exécutif » et contenues dans la lettre de réponse à la pétition qui lui a été soumise.
L’interaction du gouvernement avec cette initiative, lancée sur la base des développements constitutionnels relatifs à la démocratie participative et prévus par la Constitution de 2011, a été positive, en ce sens que la lettre de réponse prévoit 34 engagements et « nous les apprécions tous », a-t-il dit, ajoutant que les initiateurs de la pétition saluent toute mesure prise par l’Exécutif au profit des malades de cancer.
M. Cherkaoui a attiré l’attention dans ce cadre que cette pétition est la première depuis 2014 à être acceptée par le chef du gouvernement, car elle répond aux formalités juridiques et « nous considérons cette réalisation comme un acquis ».
Les initiateurs de la pétition qualifient les engagements pris le gouvernement comme un premier acquis et une fois ces engagements concrétisés ils serviront les objectifs et l’esprit de la pétition, a poursuivi M. Cherkaoui, soulignant que ces obligations qui revêtent un aspect moral et politique envers les malades atteints de cancer, leurs familles et tous ceux qui soutiennent la pétition, engagent le gouvernement actuel et les gouvernements à venir.
Le chef du gouvernement, Saad Dine El Otmani, le ministre d’Etat et président de la commission des pétitions, Mustapha Ramid, ont tenu une réunion, le 28 septembre dernier, avec le comité de la pétition représenté par le mandataire et son adjoint, au cours de laquelle le gouvernement avait présenté sa réponse finale.
Sur la base de l’avis de la commission des pétitions, des observations et des propositions des ministres concernés par la question, le gouvernement a exprimé sa disposition à prendre une série de mesures qui s’inscrivent en droite ligne avec les objectifs de la pétition « Al Hayat », notamment la généralisation de la couverture médicale et la mise en œuvre d’une panoplie de mesures à caractère prioritaire.
Parmi ces mesures figurent notamment des dispositions à caractère institutionnel dont la mise en œuvre du Plan national de prévention et de traitement du cancer « 2020-2029 », la transformation de l’Institut national d’oncologie en établissement public jouissant d’une autonomie financière et administrative, le renforcement des missions de contrôle de l’Agence nationale de l’assurance maladie et du suivi épidémiologique du cancer, à travers l’accompagnement du registre du cancer de Casablanca.
Le gouvernement prévoit également la généralisation, à partir de 2021, du vaccin contre le cancer du col de l’utérus au profit des fillettes de 11 ans, le lancement d’actions de prévention et de sensibilisation dans ce domaine, outre des mesures liées à la justice spatiale, le droit d’accès au diagnostic et au traitement, la détection précoce du cancer, et d’autres dispositions afférentes aux médicaments anticancéreux et aux soins palliatifs.
Pour le mandataire de la pétition, ces mesures constituent des acquis importants en faveur des malades de cancer et reflètent le succès de cet exercice démocratique participatif, relevant que le comité de la pétition s’engage à suivre la mise en œuvre de tous les engagements pris par le gouvernement et contenus dans sa lettre de réponse.
Concernant les motivations de cette initiative, M. Cherkaoui a précisé que l’augmentation du nombre de cas de cancer enregistré ces dernières années, la difficulté d’accès aux soins pour une large frange des patients issus des couches vulnérables et des zones éloignées, et le faible taux de couverture médicale, constituent autant de facteurs ayant favorisé la réflexion sur la nécessité de lancer l’initiative visant à améliorer les conditions d’hospitalisation des personnes atteintes de cancer et celles de leur prise en charge.
L’initiative repose notamment sur des fondements constitutionnels et juridiques, dont l’article 31 de la Constitution qui astreint l’Etat à mobiliser tous les moyens disponibles pour faciliter l’égal accès des citoyens aux soins de santé, à la protection sociale, à la couverture médicale et à la solidarité mutualiste ou organisée par l’Etat, outre l’article 15 qui permet aux citoyens de formuler des propositions aux autorités dans l’intérêt public, sachant que les dispositions de cet article ont été mises en avant par les initiateurs de la pétition dans la perspective de demander la mise en place d’un fonds dédié à la lutte contre le cancer.
Cette initiative est également basée sur la loi organique n° 44-14 sur les pétitions.
Rappelant que plus de 40.000 signatures ont été recueillies jusqu’à présent, M. Cherkaoui a fait savoir que la loi organique fixe le seuil de 5.000 signatures parmi les inscrits sur les listes électorales, notant que la pétition, qui a permis d’atteindre les objectifs constitutionnels, constitue une base réussie pour enclencher une mobilisation sociale autour d’une seule demande et il incombe désormais au gouvernement de réviser le système juridique encadrant les pétitions, car « il entrave l’exercice de ce droit ».
Selon le ministère de la Santé, le Maroc enregistre chaque année environ 40.000 nouveaux cas de cancer, précisant que le cancer du sein se situe au premier rang avec 36 pc du total des cas chez les femmes, le cancer du col de l’utérus (11,2 %), le cancer de la thyroïde (8,6 %) et le cancer colorectal (5,9 %).
Chez les hommes, le cancer du poumon vient en tête avec 22 %, suivi du cancer de la prostate (12,6 %) et du cancer colorectal (7,9 %), ajoute le ministère.