Longue soirée de marchandages au sommet de l’UE sur le budget

Les dirigeants européens ont affiché jeudi leurs divergences lors d’un sommet spécial consacré au budget de l’UE des sept prochaines années, laissant présager de longues et difficiles discussions qui rendent incertaines un accord lors de cette réunion extraordinaire.

« Il y a un chemin pour trouver un accord durant ce sommet si tout le monde montre une volonté de compromis et d’ambition. Ce chemin peut prendre quelques heures, quelques nuits, quelques jours. J’y suis prêt », a assuré le président français Emmanuel Macron.

De son côté, la chancelière allemande Angela Merkel a noté « des divergences majeures » qui « vont devoir être surmontées ». L’Allemagne n’est « pas satisfaite de la situation actuelle », a-t-elle souligné, « parce que l’équilibre entre les contributeurs nets (qui payent plus qu’ils ne reçoivent) n’a pas encore été correctement négocié ».

Après des rencontres à deux ou trois, notamment avec Angela Merkel et Emmanuel Macron, le président du Conseil européen, Charles Michel, a lancé le sommet par une table ronde.

« Tout le monde est assez concentré sur sa situation nationale », a constaté une source diplomatique alors qu’une bonne partie des dirigeants avaient déjà pris la parole, évoquant une « séance thérapeutique » où chacun donne son point de vue.

Deux sommets ?

Il y a sept ans, il avait fallu deux sommets pour arriver à une conclusion sur le budget pluriannuel.

« Nous verrons si nous finissons cette semaine ou s’il faudra continuer plus tard », a prudemment commenté la Première ministre finlandaise, Sanna Marin.

Le Brexit complique la donne de cette négociation. Pour cause de divorce, le budget 2021-2027 devra se passer de la contribution de Londres (entre 60 et 75 milliards d’euros sur sept ans), qui en était le deuxième contributeur derrière l’Allemagne.

Les 27 cherchent un compromis sur le niveau global du budget, un peu plus de 1.000 milliards d’euros, et sur sa répartition entre les différentes politiques de l’UE : agriculture, aides aux régions les plus défavorisées, lutte contre le changement climatique, numérique…

« Il serait inacceptable d’avoir une Europe qui compense le départ des Britanniques en réduisant ses moyens », a déclaré Emmanuel Macron, qui appelle à « un accord ambitieux ».

Les rabais, dont bénéficient aujourd’hui cinq pays – Allemagne, Danemark, Pays-Bas, Autriche et Suède – vont peser dans la négociation. Les autres capitales, France en tête, voudraient y mettre fin à la faveur du départ du Royaume-Uni, pays qui a imposé la pratique au milieu des années 1980.

Sur le premier front, le groupe des « frugaux » (Autriche, Pays-Bas, Danemark, Suède) ne veut pas que le niveau total du budget dépasse 1 % du revenu national brut (RNB) de l’UE. Certains y associent l’Allemagne dont la position est un peu moins dure.

La proposition de compromis soumise par Charles Michel est de 1,074 % du RNB, soit 1.094 milliards d’euros.

Les quatre dirigeants de ces Etats membres affichent un front uni dans les négociations. « Nous ne pouvons pas accepter une hausse aussi importante de nos contributions », a lancé le Suédois Stefan Löfven.

La Commission, qui veut être plus ambitieuse dans la lutte contre le changement climatique et le numérique, voudrait 1,114 % (1.134,6 milliards d’euros).

« Inacceptable » pour le Parlement

De son côté, le président du Parlement européen, David Sassoli, invité à s’exprimer en ouverture de sommet, n’a pas manqué de rappeler aux dirigeants que la proposition de Charles Michel était en l’état « inacceptable ». Or, tout accord devra être voté par le Parlement.

Selon des sources diplomatiques, l’équipe de Charles Michel pourrait présenter une nouvelle proposition chiffrée à l’issue de la table ronde puis de nouvelles rencontres bilatérales avec des leaders. Ceux-ci se retrouveraient alors vendredi dans la journée.

Plusieurs pays, dont l’Allemagne, souhaiteraient une répartition des ressources plus favorables aux nouvelles priorités (recherche, défense, protection des frontières extérieures…).

La question se pose aussi de la part accordée à l’agriculture et à la politique de cohésion (l’aide aux régions les moins développées), qui mobilisent environ 60 % du budget.

Ces deux enveloppes accusent dans la dernière proposition sur la table une baisse globale de près de 100 milliards d’euros par rapport au précédent budget.

Très inquiets, 200 à 300 agriculteurs, des pays baltes et de Belgique, ont fait le déplacement à Bruxelles pour une manifestation en marge du sommet.

La France, poids lourd de l’agriculture européenne, veut « se battre pour » la Politique agricole commune (PAC), notamment soutenue par l’Espagne, où les manifestations d’agriculteurs se multiplient. « Nous n’y sommes pas » encore, a jugé Emmanuel Macron qui doit inaugurer samedi le salon de l’agriculture à Paris.

Quant à la quinzaine de pays de l’Est et du Sud, dont l’Espagne, la Pologne et la Grèce, réunis au sein des « amis de la cohésion », ils veulent que cette politique soit maintenue au même niveau.

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