La crainte d’une possible victoire des islamistes viendrait directement de cette très contestable loi des séries qui veut qu’à partir du moment où le courant islamiste bénéficie d’une bienveillance internationale, Londres et Washington n’ont-ils pas précisé qu’ils traiteraient avec tout pouvoir islamiste issu des urnes, l’euphorie chez de nombreux partis islamistes dans la monde arabe est de mise. La percée du parti tunisien Annahda, l’espoir des frères musulmans égyptiens, l’arrogance des islamistes libyens, l’impatience des islamistes jordaniens et syriens, créent cette illusion que l’heure d’accès au pouvoir de l’islam politique et gestionnaire a enfin sonné.
Dans le cas du Maroc, nombreux observateurs n’hésitent pas à franchir le pas pour anticiper cette victoire partant du principe simple qu’à partir du moment qu’une urne dans un pays arabe et musulman est libre et transparente, les islamistes, force naturellement organisée, politiquement frustrée et historiquement ostracisée, en deviennent les grands bénéficiaires.
Un des grands enjeux de ces élections est de démentir cette hypothèse que certains veulent imprimer d’avance. Or, chaque pays possède sa propre réalité. La Tunisie cocotte-minute de Ben Ali, la Libye prison à ciel, ouvert de Kadhafi ou l’Egypte une machine à bannir de Hosni Moubarak, n’ont rien à voir avec une réalité marocain qui expérimente le pluralisme politique et l’ouverture des institutions depuis de longues années. Au Maroc, ce grand frisson de voir les islamistes rafler la mise relève plus de l’imaginaire que de la réalité « structurelle" marocaine qui peut- elle-même, éviter une telle dérive.
La seconde crainte qui se dégage de ces élections tourne au tour du fait de savoir si les Marocains vont massivement endosser cette expérience électorale. Au jour d’aujourd’hui, la campagne bat son plein. Les différents partis diffusent leurs spots électoraux à la radio et sur les écrans de télévision. Les messages de mobilisation se succèdent à l’intention des électeurs, avec cette axiome principale qu’il faut "prendre son destin en main, décider soi même avant que d’autres ne décident à votre place".
La participation est donc un enjeu cardinal pour ces législatives marocains. Un taux élevé de participation peut avoir une double signification. La première est que les Marocains ont totalement endossé la processus politique initié et lancé par la réforme de la constitution en accordant un crédit populaire à cette offre nouvelle présentée par les différents partis politiques qui participent à cette course. Ce qui automatiquement aura pour retombées de renvoyer à la marge toutes les voix qui ont chevauché l’appel à l’abstention et au boycott comme posture politique.
La seconde leçon d’une participation massive est qu’elle augmente les chances d’une issue équilibrée des résultats de ce scrutin, sachant que le boycott ne peut profiter qu’aux forces politiques traditionnellement organisées et qui piaffent d’impatience d’en découdre. Sans parler, pour reprendre un argumentaire développé par beaucoup dans la presse marocaine qu’une participation massive peut s’avérer comme l’une des thérapies efficace contre la corruption et l’argent sale qui achètent les voix.
Et parce que ces élections impriment un souffle démocratique à la séquence politique que vit actuellement le Maroc, quel que soit donc l’issu de ce scrutin, l’expérience marocaine n’en sortira que plus renforcée.