Le Liban, englué dans une grave crise économique et désormais en défaut de paiement, a promis d’engager une série de réformes qui constitueront un test décisif pour le nouveau gouvernement, nommé en réponse au mouvement de contestation populaire secouant le pays.
« La vraie question, est-ce que les politiciens feront le nécessaire pour résoudre le problème? », s’interroge Sami Nader, directeur de l’Institut du Levant pour les affaires stratégiques.
« Si la mise en défaut ne s’accompagne pas d’un engagement clair pour des réformes, cela accélérera l’effondrement », met-il en garde.
Le Premier ministre Hassan Diab a annoncé samedi que le Liban ne sera pas en mesure de rembourser 1,2 milliard d’Eurobonds –des obligations émises en dollars– qui arrivent à échéance lundi.
Face à ce premier défaut de paiement de l’histoire du pays, M. Diab a dévoilé une restructuration à venir de la dette, après des négociations avec les créanciers.
Ce n’est que le dernier rebondissement en date illustrant l’effondrement économique, en cours depuis plusieurs mois dans ce pays à la croissance en panne, touché par une forte dépréciation de sa monnaie et des restrictions drastiques sur les retraits en dollars dans les banques.
Avec une dette de 92 milliards de dollars –81,5 milliards d’euros, soit environ 170% du PIB–, le Liban fait aussi partie des pays les plus endettés au monde.
Le marasme économique a d’ailleurs été un des principaux moteurs des manifestations inédites déclenchées en octobre, qui ont vu des dizaines, voire des centaines, de milliers de Libanais battre le pavé pour fustiger une classe politique accusée de corruption et d’impuissance face à la crise.
– FMI, seule option? –
Nommé en janvier pour apporter une réponse aux aspirations de la rue, le gouvernement martèle sa volonté d’assainir les finances publiques et d’adopter des réformes attendues depuis des années.
Mais dans un pays habitué aux tractations politiques interminables entre grands partis, les experts craignent des atermoiements.
Le Liban a en tout cas déjà requis une assistance technique du Fonds monétaire international (FMI) pour mettre en place des « réformes », censées restaurer la stabilité et la croissance.
En février, le Premier ministre a reçu à Beyrouth une délégation de l’institution. Pour l’heure, une aide financière n’est pas à l’ordre du jour. Mais l’ampleur de la crise est telle qu’un plan de sauvetage financier semble incontournable, selon des experts.
« Le FMI c’est la seule option pour aller de l’avant », estime M. Nader.
Pour Marwan Barakat, chef du département de recherche à la Bank Audi, il faut que le plan de réformes des autorités garantisse notamment « l’austérité » au niveau des dépenses publiques, mais aussi « une amélioration du recouvrement de l’impôt, une réduction du service de la dette et une réforme du secteur de l’électricité », véritable gouffre financier.
Concernant une aide financière du FMI, la classe politique reste profondément divisée.
Le puissant mouvement chiite du Hezbollah, qui domine le Parlement avec ses alliés, est hostile à cette option. Dans un communiqué jeudi, il avait mis en garde contre des « conditions » imposées par « toute organisation internationale », craignant une « tutelle étrangère ».
– « Banqueroute » –
Dans son éditorial dimanche, le quotidien Annahar a souligné les « risques » auxquels s’exposait le Liban avec son défaut de paiement.
D’autant que le gouvernement s’est engagé sur cette voie « sans le FMI, un médiateur international nécessaire qui aurait pu aider le Liban et lui apporter une couverture vis-à-vis des créanciers », juge-t-il.
Evoquant la menace de poursuites judiciaires contre le Liban de la part de créanciers mécontents, le quotidien indique que le pays doit trouver un « consensus » avec ces derniers concernant les négociations sur la restructuration de la dette.
Et pour que les discussions soient fructueuses, le « principal prérequis » est un « plan de sauvetage économique faisable et crédible », avertit Mohamad Faour, post-doctorant spécialisé en finances à l’University College de Dublin.
« Du point de vue des créanciers, idéalement cela ferait partie d’un plan de soutien du FMI, qui donnerait au Liban un levier dans ses négociations », dit-il.
La crise actuelle est la pire dans l’histoire du Liban depuis la fin de la guerre civile (1975-1990).
Elle s’accompagne de restrictions inédites sur les retraits en dollars dans les banques, où le taux de change officiel est toujours fixé à environ 1.507 livres libanaises pour un dollar.
Mais dans un pays où le billet vert est communément utilisé au même titre que la monnaie nationale, la livre a dégringolé dans les bureaux de change, frôlant les 2.500 livres pour un dollar.
Samedi, M. Diab s’est engagé à réduire les dépenses publiques et à mener à bien les réformes promises en 2018 dans le cadre d’une conférence d’aide internationale, pour obtenir 11,6 milliards de dollars (10,3 milliards d’euros) de dons et de prêts.
Faute de réel changement sur le front des réformes au Liban, ces sommes n’ont toujours pas été débloquées.
Dans une vidéo postée sur Facebook, l’ancien ministre du Travail et professeur à l’Université américaine de Beyrouth Charbel Nahas a fustigé les autorités et leur annonce d’un défaut de paiement.
« Ce n’est pas une vraie décision », a-t-il estimé. « C’est juste la reconnaissance d’une certaine réalité, caractérisée par la banqueroute de l’Etat, de la Banque centrale et des banques commerciales. »