La science débusque les terroristes avant qu’ils ne passent à l’acte
Un chercheur a mis au point un système d’électro-encéphalogrames qui n’est pas sans rappeler Minority Report
L’étude, parue dans le journal Psychophysiology, est basée sur l’analyse des électro-encéphalogrammes, les courants électriques prélevés par électrodes à la surface du cuir chevelu, qui varient en fonction de l’activité du cerveau. Dans les années 1960, les scientifiques avaient découvert un signal caractéristique, baptisé "P300", qui apparait lorsque le sujet reconnaît un visage familier, un lieu ou des objets qui lui évoquent des souvenirs. Depuis les années 1980, cette onde P300 a suscité de nombreuses recherches, dans l’espoir de mettre au point des détecteurs de mensonge efficaces.
Or aujourd’hui, l’un des pionniers de ces travaux, Lawrence Farwel, ex-neurobiologiste de l’université Harvard, commercialise des "tests de détection d’informations cachées" au travers d’une société privée, Brain Fingerprinting. Le produit intéresse les annonceurs, soucieux de vérifier l’impact de leurs campagnes publicitaires sur les consommateurs. Quoi qu’encore controversée, la méthode commence aussi à être acceptée par certains tribunaux américains. Un homme condamné pour meurtre en 1977 a ainsi été innocenté en 2003 par un juge de la ville de De Moines (Iowa) sur la base d’un électro-encéphalogramme. En Inde, une femme a écopé d’une sentence à perpétuité pour l’empoisonnement de son amant en juin 2008 parce qu’un test P300 montrait qu’elle avait connaissance de faits qu’elle prétendait ignorer.
"Un test précis à 83%"
L’expérience conduite sur 29 volontaires par Peter Rosenfeld, professeur de sciences cognitives à la Northwestern university, était destinée à tester un nouveau protocole d’interrogatoire dans le cas précis d’une menace terroriste. 12 cobayes ont été choisis au hasard pour jouer le rôle de fanatiques: ils avaient 30 minutes pour planifier en secret une attaque terroriste virtuelle à partir de quelques éléments de départ (explosifs, argent, faux papiers… ), puis rédiger un message détaillant le déroulement des opérations, afin de mieux les mémoriser. Les autres participants incarnaient de simples quidams, n’ayant aucune idée de ce qui se préparait. Tout le monde passait ensuite à l’interrogatoire, coiffé d’électrodes et assis devant un écran sur lequel défilaient des images, des noms, des objets. La détection d’ondes P300 devait montrer si ces stimuli évoquaient ou non aux sujets des souvenirs particuliers, conscients ou inconscients. Résultat: sans rien connaitre des scénarios préparés, les chercheurs ont été capables d’identifier 10 des 12 terroristes et de découvrir 20 détails essentiels de leur plan d’attaque – notamment le nom de la ville visée ou des autres personnes impliquées. "Le tests est précis à 83% dans la prédiction d’informations dissimulées affirme Rosenfeld, ce qui suggère que notre protocole pourrait déceler les intentions de véritables terroristes avant qu’ils n’agissent".
L’avantage de la méthode réside dans son caractère "passif". Il ne s’agit plus d’interroger un suspect pour lui faire raconter sa version des faits, mais simplement de mesurer ses réactions face à des stimuli qu’on lui présente: même s’il reste silencieux le coupable se trahira. Reste à savoir si le procédé est réellement infaillible. Peter Rosenfeld, le concepteur de l’expérience, a publié l’an dernier deux études sur des "contremesures" au test P300: des procédés qui permettent de masquer les ondes cérébrales ou de perturber les mesures, notamment grâce à des exercices mentaux… A suivre.