L’entourage du chef de l’Etat, et le ministre lui-même, ont fermement démenti ces accusations. Interrogé dans les couloirs de l’Assemblée nationale, Eric Woerth a déclaré en milieu de journée qu’il n’était «pas question» pour lui de «démissionner pour donner raison à ceux qui (l’)attaquent».
Nicolas Sarkozy évoque l’affaire à demi-mots
«Je n’ai jamais touché sur le plan politique le moindre euro qui ne soit pas légal», a réagi le ministre. Plus tôt, devant les caméras d’I-Télé, il s’est montré exaspéré. «Ca commence à suffire, maintenant, de systématiquement salir quelqu’un», a-t-il déclaré, ajoutant qu’il s’agissait d’une «affaire politique». «N’importe qui peut parler d’enveloppes. Est-ce que c’est de l’argent personnel ? de l’argent politique ? C’est un sujet inacceptable. Ca me bouleverse», a-t-il confié, indiquant qu’il était prêt à «contre-attaquer».
Le chef de l’Etat, en visite en Seine-et-Marne ce mardi, a commenté à mots couverts ces nouvelles accusations : «J’aimerais tellement que le pays se passionne pour les grands problèmes que sont la santé, l’organisation de la santé, les retraites, comment on va créer de la croissance, plutôt que de s’emballer à la première horreur, calomnie qui n’a qu’un seul but, salir sans aucune espèce de réalité», a déclaré Nicolas Sarkozy.
Dans la majorité, pourtant, des voix s’élèvent ce mardi pour demander une intervention rapide du président de la République à propos de cette affaire.
150 000 euros pour la campagne de Nicolas Sarkozy
A Mediapart, comme aux enquêteurs de la Brigade de répression de la délinquance à la personne (BRDP), Claire T. a expliqué que Patrick de Maistre, gestionnaire de la fortune des Bettencourt, lui avait demandé de retirer 150 000 euros, soit «une somme trois fois supérieure à l’habitude», en mars 2007. «Maistre m’a dit qu’il allait très vite dîner avec Eric Woerth afin de lui remettre, "discrètement" comme il m’a dit, les 150.000 euros. Et le dîner a bien eu lieu très rapidement… »
Me Pascal Wilhelm, l’avocat de Patrice de Maistre, a fait savoir mardi que ce-dernier contestait «formellement» les déclarations de Claire T. le présentant comme un intermédiaire entre la milliardaire et des politiques auxquels elle aurait versé de l’argent.
Nicolas Sarkozy présenté comme un «habitué»
Parlant d’André Bettencourt, Claire T. affirme qu’il «arrosait large». Elle parle de «visiteurs réguliers», qui venaient au domicile de l’héritière de L’Oréal, à Neuilly-sur-Seine, pour se voir remettre des enveloppes. Selon elle, Nicolas Sarkozy, maire de la ville de 1983 à 2002, faisait partie des «habitués». «Tout le monde savait dans la maison que Sarkozy aussi allait voir les Bettencourt pour récupérer de l’argent», souligne-t-elle.
Parmi les révélations de Claire T. figure aussi le financement du Parti Républicain et de la campagne d’Edouard Balladur, du temps d’André Bettencourt, décédé en novembre 2007.
Aucune preuve matérielle
Ce témoignage est-il crédible ? Pour le directeur de Mediapart, Edwy Plenel, cela ne fait aucun doute. Claire T. «est très honnête et elle a conscience de la gravité de ces informations, a-t-il déclaré sur France Info ce mardi. Elle a tout consigné dans des carnets qu’elle a restitués lors de son départ en 2008.» Cependant, l’ex-comptable reconnaît qu’elle ne dispose d’aucune preuve matérielle pour étayer ses accusations. Il lui était pourtant primordial de parler : parce qu’elle en a «marre de voir de voir tous ces gens ne pas assumer leurs responsablités»
Ces nouvelles révélations surviennent alors que le procureur de Nanterre, Philippe Courroye, envisage une enquête sur la fraude fiscale présumée de Liliane Bettencourt, ainsi que sur le couple Woerth. Le magistrat entend toutefois mener à bien une première enquête, portant sur les enregistrements clandestins réalisés par un employé de Liliane Bettencourt, en 2009. Le mari de Claire T., informaticien de profession, est d’ailleurs celui qui a numérisé ces écoutes.