Fort de ses récents succès sur le terrain, le Gouvernement d’union nationale (GNA) basé à Tripoli a rejeté jeudi la trêve unilatérale annoncée par son rival, le maréchal Khalifa Haftar, qui tente depuis un an de s’emparer de la capitale libyenne.
Le GNA affirme qu’il ne fait pas confiance au maréchal, homme fort de l’est du pays qui contrôle aussi une partie du Sud, l’accusant d’avoir violé plusieurs trêves depuis le début de son offensive contre Tripoli, le 4 avril 2019.
« Ces violations font que nous ne faisons guère confiance aux annonces de trêve » de Haftar, a indiqué le gouvernement de Fayez al-Sarraj dans un communiqué.
Depuis plus d’un an, le conflit en Libye a fait des centaines de morts et plus de 200.000 déplacés. Dans un rapport jeudi, la mission de l’ONU en Libye (Manul) a fait état de 64 morts et 67 blessés parmi les civils durant les trois premiers mois de l’année, déplorant une hausse par rapport à la même période en 2019.
La mission s’est dite « très préoccupée par les attaques à l’aveugle (…) dans les zones peuplées de civils », et a appelé « toutes les parties à mettre fin immédiatement à toutes les opérations militaires ».
Le 24 avril, l’ONU et l’Union européenne avaient appelé les deux camps rivaux en Libye à une trêve pour le mois de jeûne musulman du ramadan, qui débutait le jour même.
« Mandat du peuple »
Affirmant répondre à cet appel, le maréchal Haftar a annoncé mercredi « la cessation des opérations militaires ».
Les combats n’ont toutefois pas cessé au sud de Tripoli et des explosions continuaient d’être entendues depuis le centre de la capitale après cette annonce, selon des journalistes de l’AFP sur place.
Le GNA, reconnu par l’ONU, a ajouté dans son communiqué qu’il poursuivrait sa « légitime défense », en s’attaquant « à toute menace où qu’elle soit et en mettant fin aux groupes hors-la-loi », en allusion aux forces rivales.
Selon le GNA, tout cessez-le-feu a besoin de « garanties et de mécanismes internationaux » pour surveiller son application et documenter les éventuelles violations.
Le maréchal, qui tient sa légitimité d’un Parlement élu basé aussi dans l’est, avait annoncé lundi avoir obtenu le « mandat du peuple » pour gouverner la Libye, sans donner plus de détails.
Cette annonce avait été qualifiée de « farce » par le GNA. Même Moscou, considéré comme un allié d’Haftar, a dit ne pas approuver cette déclaration.
Haftar avait également annoncé « la fin de l’accord de Skhirat », signé en 2015 par des responsables libyens au Maroc sous l’égide de l’ONU et dont est issu le GNA.
L’ONU, l’UE ainsi que Washington et d’autres pays, ont affirmé toutefois que cet accord restait le seul cadre pour jeter les bases des institutions en Libye.
« Obsédé par le pouvoir »
Le GNA a répété jeudi que le maréchal Haftar n’était « pas un partenaire de paix ». « Nous avons devant nous une personne assoiffée de sang et obsédée par le pouvoir », a-t-il ajouté dans son communiqué.
L’homme fort de l’est libyen est accusé par ses détracteurs de vouloir instaurer une nouvelle dictature militaire près d’une décennie après la chute du régime de Mouammar Kadhafi.
Des analystes ont vu de leur côté dans la déclaration de lundi du maréchal un signe de « désespoir », alors qu’il avait promis il y a un an une victoire rapide à Tripoli.
Ses hommes ont en effet enregistré plusieurs revers ces dernières semaines.
Appuyées par la Turquie, les forces du GNA ont repris il y a deux semaines deux villes stratégiques de l’ouest, et cernent actuellement Tarhouna, la plus importante base-arrière du maréchal, à quelque 80 kilomètres au sud-est de Tripoli.
Au fil des mois, l’interférence d’armées étrangères a exacerbé le conflit, avec les Emirats arabes unis et la Russie dans le camp Haftar, et de l’autre la Turquie et son aide croissante au GNA.
Les deux camps s’accusent mutuellement de continuer de recevoir des cargaisons d’armes de leurs soutiens malgré des engagements pris en janvier par plusieurs pays à la conférence internationale de Berlin sur la Libye.